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                      L'AVEUGLE'

   Tous les assistants s'étaient levés, et parmi eux Renard, qui sou-
riait d'une façon sinistre. « Saint-Gérand, fit le major, j'étais
présent à la soirée d'hier, et je vous jure que Valette s'est conduit
en galant homme. Je suis sûr, du reste, qu'il est prêt à vous don-
ner toutes les explications convenables.,. Qui diable a.pu vous
monter la tête à ce point? Voyons, Valette, avez-vous le moins
du monde et volontairement manqué aux convenances ? Je m'en
serais bien aperçu après tout...— Major, répondis-je d'une voix
un peu altérée, si le capitaine Saint-Gérand trouvait bon de me
soumettre à un interrogatoire, il aurait dû s'y prendre d'une autre
façon, et ne pas me faire en public une scène véritablement ridicule.
N'ayant rien à me reprocher, je n'ai ni explications ni rétractations
à lui fournir.—Fort bien, reprit Saint-Gérand, et je sais ce qu'il
me reste à faire. Le capitaine Valette recevra demain la visite de
deux de mes amis. —A vos ordres, Monsieur. «Puis il nous quitta,
accompagné du major, qui cherchait visiblement à le calmer.
   Au milieu de l'émotion causée par cette scène et des commen-
t-nres un peu tumultueux de l'assistance, je me demandai d'où
pouvait venir cette irritation de mon camarade. « Qui donc avait
dénaturé ma conduite? Qui donc m'avait représenté comme man-
quant d'égards à Mme Caroline? Qui donc?... Sans doute ce
Renard !... » et j'avais raison. Plus tard,mais trop tard, j'appris que
cet homme avait vu Saint-Gérand dans la matinée. Il avait raconté
la scène du punch à sa manière. Il n'avait pas ajouté, bien entendu,
  1
      Voir la Revue lyonnaise,   t. II, p. 332.