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                   LE MARIAGE DE S É V E R I N E                      23
 ce nom. Séverine, qui avait perdu sa mère de très bonne heure,
 avait été mise tout enfant au couvent, alors que Clotilde était déjà
 dans les grandes.
    Clotilde s'était prise pour la pauvre petite d'une tendre amitié, et
 plus tard, quand elle quitta le couvent, elle n'oublia pas Séverine.
 Lorsque cette dernière à son tour y eut terminé son éducation,
 Clotilde fut son amie de cœur. Elles étaient toujours ensemble,
 tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre, mais le plus souvent chez
Clotilde, où Séverine, accompagnée d'une femme de confiance, ve-
nait s'installer des journées entières, à la grande satisfaction
de M. Lefort qui connaissait et appréciait tout particulièrement
Mme Evrard.
   Il est impossible de faire un portrait ressemblant par description,
dit Xavier de Maistre, et aussi, au lieu d'essayer celui de notre
héroïne, notre premier mouvement avait-il été d'inviter le lecteur
bienveillant à se figurer, comme il l'entendrait, une jolie personne.
   Chacun, de cette façon, eût choisi le type le plus à son goût, et
nous n'aurions pas couru le risque de heurter les légitimes préfé-
rences des uns ou des autres en voulant leur faire accepter pour
charmante celle qu'ils n'eussent jamais eu l'idée de trouver telle.
Mais nous nous sommes souvenu aussi que le respect de la vérité
est le premier devoir du narrateur et, comme M116 Lefort n'est pas
un personnage inventé à plaisir, nous nous tenons pour obligé de
la dépeindre de notre mieux.
   Elle est plutôt petite que grande, mais sa taille est si admirable-
ment prise qu'on ne songe guère à lui reprocher ce léger défaut. Sa
peau, loin d'avoir cette blancheur et cette diaphanéité qu'on est
convenu d'admirer, indices le plus souvent de langueur et de fai-
blesse, est au contraire de ce ton chaud et bruni qu'affectionne le
vieux Titien. Ses magnifiques cheveux châtains aux reflets dorés
encadrent harmonieusement le visage d'un ovale parfait. Son sou-
rire enfin, plein de grâce et d'innocente malice, atténue ce que
pourraient donner d'expression trop sérieuse à sa physionomie des
sourcils bien arqués, d'une nuance plus foncée que les cheveux, et
des yeux noirs brillants, pleins de feu.
   Telle était lajeunë fille que Maurice trouvait presque toujours
chez Mme Evrard, et, si ce n'est pas là l'idéal de tout le monde, c'est