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LA LÉGENDE D'ŒDIPK 129 fait remarquer M. Patin, Œdipe, par les défauts de son caractère, est pour quelque chose dans son infortune, et il en absout d'autant la destinée. Son malheur est si grand, ses plaintes sont si tou- chantes, son châtiment volontaire si terrible, qu'il n'y a plus place en nous que pour l'attendrissement. . La reprise de Y Œdipe adapté par M. Jules Lacroix a été une véritable- bonne fortune pour tous les amis des oeuvres saines et fortes. La pièce est montée avec un goût parfait qui se révèle dans les moindres détails. La mise en scène est digne de tous les éloges et nous donne autant que faire se peut dans nos théâtres modernes, l'idée de ce qu'était la représentation chez les anciens. Œdipe-Roi est interprété même pour les moindres rôles d'une façon supérieure. Je ne puis m'empecher de faire une mention toute spéciale de M. Mounet-Sully. Il a rendu avec une vérité saisis- sante le personnage d'Œdipe. Au premier acte il a bien la majesté paternelle d'un roi. Il a exprimé fort bien ses soupçons contre Créon, puis les inquiétudes qui le gagnent lui-même peu à peu. Il a traduit enfin le désespoir de l'infortuné gémissant sur son bon- heur perdu, d'une façon qui lui a valu les acclamations de la salle entière. La musique de M. Edmond Membrée, jouée derrière le théâtre, est d'un bon accent mélodique, et s'harmonise d'une façon généra- lement heureuse avec le sujet. Elle soutient avec originalité la récitation de la strophe et de l'antistrophe. Le seul reproche que j'adresserai a M. Membrée, c'est de paraître oublier à certains moments que l'orchestre ne saurait être ici qu'un accessoire. J E A N DE M O D S T E L O N . AOUT 1881 — T. I I . 9