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412                  LA R E V U E LYONNAISE
qu'il voulait se venger d'une femme, sur laquelle il avait jeté les
yeux, et qui avait reçu ses déclarations avec le dédain le plus
méprisant.
    Huit heures du matin n'étaient pas sonnées que deux amis de
Saint-Gérand arrivèrent • « Capitaine, fit l'un d'eux, officier dans
                              •
un régiment de ligne, vous devinez ce qui m'amène, mais je me
console de ce que ma mission a de désagréable, en pensant qu'une
conciliation va certainement s'en suivre. — Une conciliation?
Mais j ' y suis tout disposé. Que M. Saint-Gérand veuille bien
médire d'abord en quoi j'ai manqué aux convenances à son égard.
Nous verrons ensuite... —Mon Dieu, capitaine, je ne sais trop
que répondre ? Il prétend que vous avez pris, vis-à-vis de sa femme,
des airs de protecteur, et que... —Mais, Monsieur, la scène s'est
passée devant plus de trente personnes. Qu'une seule ose dire que
j'aie été coupable de la plus légère inconvenance, et je suis prêt à
faire toute espèce d'excuses. Là, voyons, ne me trouvez-vous pas
raisonnable? — Au diable les duels! répondit-il; et je devrais bien
renoncer Ă  mes fonctions d'ambassadeur. (Ici son camarade fit un
signe d'assentiment.) Mais, uno avulso, non déficit alter, comme
disait notre vieux professeur de rhétorique ; à notre place, on en
aurait vite trouvé d'autres, et après tout je ne désespère pas de
vous réconcilier... Diable de Saint-Gérand ! Me charger d'une mis-
 sion pareille !... Je ne puis pourtant pas oublier que nous avons fait
connaissance dans le Djurjurah, et qu'il ma sauvé la vie... Enfin,
Monsieur, votre dernier mot. — J'ai toute sorte d'excuses à sa dis-
position, si quelqu'un peut dire que j'aie le moindre tort Ă  me re-
procher... — Eh bien nous courons chez lui. A bientôt, je l'espère,
pour les raccommodements .. Satané point d'honneur !,.. »
 ' Saint-Gérand ne voulut rien entendre : « J'avais dit que sa femme
était respectable, et cela ne me regardait pas, quoi qu'en pût pen-
ser le major BĂ©del... Je veux des excuses'et qu'Ă  l'avenir il me
laisse le soin de défendre l'honneur de Mma Saint- Gérand. » Bref,
une rencontre fut décidée pour le lendemain, au pistolet, et à vingt-
cinq pas. Le dîner fut assez triste comme on le pense, car les
camarades se doutaient que rien n'était arrangé, et Renard
tournait souvent les yeux, vers moi, avec une expression mal
déguisée de satisfaction hypocrite : « Que j'aurais donc plaisir,