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LE MARIAGE DE S É V E R I N E 91 fallait se hâter si elle voulait sauver et sa créance et son titre de comtesse ; aussi alla-t-elle sans plus tarder parler à M. -Lefort. Le banquier quiattendait cette confidence,.qui la souhaitait même, tant le jeune Chauret avait su se faire bien venir de lui, répondit favorablement quanta ce qui le regardait; toutefois il fit observer qu'il ne pouvait rien dire de définitif sans avoir consulté sa fille. Mme Lejarrois aurait déjà voulu voir Séverine mariée, elle insista pour qu'on la mît au courant sans retard ; mais M. Lefort avait subi trop d'échecs en semblable occasion pour s'en fier encore à l u i - même dans une affaire qu'il avait à cœur de voir réussir. Il deman- da donc un délai de quelques jours à l'impatiente veuve et se rendit chez Glotilde. a Ma chère enfant, lui dit-il, c'est au nom de l'amitié que vous portez à ma fille et qu'elle vous rend de tout son cœur, vous le savez, que je viens réclamer votre appui dans la préoccupation où je me trouve. Séverine aura bientôt vingt-et-un ans et je souhaite ardemment de la voir mariée. Jusqu'à ce jour elle a opposé mille fins de non-recevoir à toutes les ouvertures que je lui ai faites en ce sens, alléguant tantôt sa jeunesse, tantôt son désir de ne me point quitter, toujours son manque absolu de sympathie pour ceux qui aspiraient à sa main. Aujourd'hui l'heure de se décider me semble venue, et elle montre plus d'éloignement que jamais pour le mariage. — Vous aurait-elle donné à entendre, demanda Glotilde qu'elle était résolue à ne se point marier ? —Non. Mais tout en admettant la chose en principe, elle en recule indéfiniment la mise à exécution. Vous savez qu'aux agré- ments de sa personne, je crois pouvoir parler ainsi sans être taxé d'aveuglement paternel, elle joint une dot considérable, et qu'après moi, comme elle est fille unique, ma fortune entière lui reviendra. C'est sans contredit une des plus belles et des plus riches héri- tières de Paris, et, quoique nous vivions fort retirés, je ne vous surprendrai pas en vous disant que depuis trois ou quatre ans elle m'a été demandée plus de vingt fois. Les plus brillants partis se sont présentés, et il n'a tenu qu'à elle de choisir parmi les grands noms de l'aristocratie ou delà finance. Tout a été rejeté d'un ton ferme, invariable, sans autre raison que : ce monsieur ne me plaît