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4                    LA R E V U E LYONNAISE
tation du Mariage de Figaro de Beaumarchais, il y eut force
horions échangés, force provocations en duel, autant de bruit que
de poussière ; cela passa aisément pour un triomphe. Les défen^-
seurs des saines traditions avaient beau se jeter à la traverse : le
torrent déchaîné renversa les digues. Cet impétueux imitateur de
Corneille, qui estimait modérément Racine et qui se moquait de
Voltaire, avait, lui aussi, son Cid, un début plein de promesses
qui ne se sont pas toutes réalisées.
    Certes, on pouvait relever dans cette composition juvénile bien
des invraisemblances et une extrême diffusion. Hernani, cet hidalgo
castillan déguisé en chef de bandits ; don Carlos, ce roi d'Espagne,
 travesti en coureur d'aventures amoureuses ; Ruy Gomez de Silva,
ce vieillard qui s'impose en qualité de fiancé à sa nièce dbîla Sol
et s'abandonne avec une intempérance sénile à la manie des tirades
sans fin et sans mesure; la scène si connue des tableaux de famille ;
le long monologue de Charles-Quint, apostrophant l'ombre de
Charlemagne ; la couleur sombre et bizarre du dénouement, exci-
 tèrent plus d'une raillerie. Mais il y avait là de l'ardeur, de la
verve, une versification brillante, les aimables imperfections de la
jeunesse, enfin ce que des critiques peu respectueux auraient pu
appeler la beauté du diable. Toutefois il serait injuste d'oublier
que la pièce réussit beaucoup, quand on la reprit en 1867, pendant
l'Exposition universelle de Paris, et encore en 1878. Que dire en
outre de cette soirée du 25 février 1880, où l'on fêta, au Théâtre-
Français, le cinquantième anniversaire delà première représenta-
tion et la soixante-dix-huitième année de Victor Hugo : Worms,
Mounet-Sully, Maubant et Sarah Bernhardt tenant les principaux
rôles ; la bouillante tragédienne débitant des vers louangeurs de
François Coppée ; tous les acteurs delà troupe figurant les héros
des drames du poète et couronnant son buste, sculpté autrefois
par son ami David d'Angers? C'était la trois cent quarante et-
unième fois qu'on jouait la pièce à Paris. Cette fête presque solen-
nelle reçut un double complément dans un dîner d'apparat donné
par l'auteur, et dans une réunion, qui eut lieu à l'hôtel Conti-
nental et où des toasts chaleureux furent portés par Emile Augier,
le dramaturge satirique, par^Delaimay, le plus sémillant des comé-
diens quinquagénaires, et par Francisque Sarcey, le plus farou-.