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86 LA REVUE LYONNAISE femmes y montaient emmitouflées de manteaux et de fourrures, puis ce fut le tour des jeunes gens. Mis en gaieté par un excellent souper, ils sortaient, riant et causant, les mains dans les poches, le collet de la pelisse relevé et le cigare à la bouche. Parmi eux M. Chauret très entouré et très bruyant. Maurice devina un rival et se sentit quelques velléités de l'assommer. Les lumières s'étei- gnirent, le silence se fit, l'aube commençait à paraître ; rêveur, il regagna son domicile. Avec une naïveté parfaite, il ne s'était pas douté, dès le début, du danger qu'il y avait à voir souvent une jeune et adorable fille ; il avait bu le poison sans méfiance et maintenant il était trop tard pour s'éloigner, le mal était profond, irréparable. A quel parti s'arrêter ? demander Séverine en mariage ? mais quelle apparence que M. Lefort lui donne jamais sa fille, à lui garçon pauvre et obscur, sans appui et sans avenir? quelle apparence que Séverine veuille de lui? Ne plus la voir? certes ce serait le plus sage, mais en admettant qu'il en eût la force, que dirait la jeune fille? Quoi- qu'il n'eût pas l'orgueil de tenir dans sa vie une grande place, il n'en sentait pas moins qu'elle s'étonnerait de ne plus le rencontrer chez Clotilde, lui qui y allait sans cesse, et que cette retraite, si elle en pénétrait le véritable motif, pourrait lui donner un ridicule à ses yeux. Le plus simple était donc, quelques souffrances qu'il dût endurer, d'agir autant que possible comme par le passé. Fort de cette résolution, il se rendit le lendemain chez Clotilde, son cœur battait à se rompre ; Mme Evrard était seule, il respira. « Mon ami, lui dit la jeune femme, allons droit.au fait, voulez- vous? vous aimez Séverine : quelles sont vos intentions ? — Ah ! fit Maurice, le sais-je seulement ? je l'adore, voilà tout ce que je puis dire. — Eh bien! répondit Clotilde du ton le plus naturel, il la faut épouser. — Pensez-vous à ce que vous dites? s'écria Maurice. Jamais on ne mêla donnera ; en quoi mérité-je un pareil trésor? Permettez, Clotilde, à ma sincère amitié, de vous parler avec franchise. J'ai souffert depuis hier plus que pendant toute ma vie, qui cependant vous le savez, n'a pas été heureuse, et, vous l'avouerai-je ? je n'ai pas pu m'empâcher de trouver que c'était votre faute. Oh! pardon-