page suivante »
LE MARIAGE DE S É V E R I N E 177 cependant l'écolier qui récite une leçon ; son éducation me parut être celle qui convient à une bonne petite ménagère de province, et Mme Cherrault lut dans mes yeux mon approbation et mon étonne- ment. Après avoir promis à la jeune fille que je ne partirais pas sans la revoir, elle lui fit comprendre de nous laisser seuls. «—Monsieur, me dit-elle alors, vous êtes surpris, je m'en aper- çois, de trouver presque une demoiselle, là où vous ne vous atten- diez guère à voir qu'une petite villageoise, un peu niaise et à peine dégrossie. Quand votre père me confia Clémence, encore au berceau, mon mari était instituteur aux environs. C'était un homme de mérite, très capable, très instruit, malgré l'humble position qu'il occupait. Ses soins ne furent pas perdus auprès de Clémence, vous avez pu en juger. Moi-même, j'en savais assezpour la former sur bien des choses. Nous n'avions pas d'enfant et nous nous atta- chions tous les jours davantage à cette chère petite. Mon mari est mort, il y a quelque temps, au moment où un modique héritage venait améliorer sensiblement notre situation et, depuis cette épo- que, je vis ici avec celle que j'appelle ma fille. J'ai pu me donner la satisfaction de lui procurer quelques bons maîtres, et je vois avec joie que j'ai assez bien réussi, puisque Clémence a su vous plaire dès le premier moment. » « J'assurai la digne femme que son élève lui faisait le plus grand honneur et que je n'avais que des louanges et que des remercie- ments à lui adresser. «—J'espère, me dit Mmc Cherrault, que ce mot de remerciements ne signifie pas que vous comptez me retirer ma chère enfant ? » « Je me hâtai de lui protester que mon seul désir était de voir Clémence rester auprès d'elle. « Il me fallait songer au départ, Clémence revint pour me dire adieu, et, sur un signe de sa mère adoptive, me tendit timidement sa joue, ne se doutant guère, la pauvre petite ! que c'était son frère qui l'embrassait. « A mon grand regret, mes premiers travaux m'absorbaient trop pour que je pusse souvent me permettre le voyage deMelun, mais j'avais régulièrement des nouvelles. J'allais, au moins tous les mois, porter à Mme Cherrault le quartier de la petite pension que lui servait mon père et que j'avais entendu lui continuer. SEPTEMBRE i881 -— T, I I . 12