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182 LA REVUE LYONNAISE qu'après avoir lu la lettre de son père, après avoir constaté, ou cru constater, que le général avait écrit une autre lettre que vous conserviez précieusement, vous avez déclaré que vous ne vouliez plus de lui pour gendre, sans ajouter un mot d'explication. — Ne faites pas cela, GLotilde! grand Dieu! il n'aurait qu'à soupçonner ce que j'ai si soigneusement caché à tous. — Je vous le répète, Monsieur, pour ma dignité, pour celle de M. d'Artannes, je dois m'en tenir à ce que je vous ai dit. — Mais si vous connaissiez la douleur qui me ronge depuis près de vingt ans, si vous étiez convaincue que la véritable cause qui me fait repousser M. d'Artannes doit lui être tue, ne m'aideriez-vous pas à rompre ce mariage? à trouver même un prétexte plausible? — Peut-être. — Eh bien! sachez donc tout, et jugez. » Clotilde, se demandant avec anxiété ce qu'allait devenir le bonheur de ses amis avec cette nouvelle complication, fit signe qu'elle écoutait. « J'étais commis dans les bureaux du baron Mosheim, com- mença M. Lefort, après s'être recueilli un moment, et je vivais satisfait de ma position, quand je m'épris de la fille d'un vieil em- ployé de la maison, qui, comme moi, n'avait pour toute fortune que ses minces appointements. Malgré les remontrances qu'il crut de- voir me faire, dans notre intérêt à tous deux, disait-il, je m'obs- tinai et le mariage eut lieu. « Pendant les premiers temps, je pus me croire heureux; mais bientôt je remarquai chez ma femme de la contrainte, de la tris- tesse, du découragement. La naissance de Séverine, qui comblait tous mes vœux, n'eut aucune influence sur cette fâcheuse disposi- tion d'esprit, les questions les plus affectueuses, les plus tendres, n'obtenaient que des réponses vagues ; je m'inquiétai, j'observai, et j'acquis enfin la pénible certitude que ma femme souffrait de la simplicité de notre existence. Née, élevée dans une famille des plus humbles, elle avait tous les besoins, tous les instincts de la vie élégante, et la rapidité avec laquelle commencèrent à s'élever vers cette époque nombre, de fortunes financières ou industrielles, n'était pas pour lui faire prendre en patience notre médiocrité. Bientôt, je sentis qu'elle m'accusait en elle-même d'inertie ou de timidité,