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288                  LA REVUE LYONNAISE
des droguistes, ou bien le siège de bazars. Le quai Saint-Antoine,
où nous avons vu les fameux magasins de Grillet, le marchand
de châles, est livré aux entrepôts de fruits et de légumes et aux
déballages des chapeaux de paille.



   Le rêve de Poncet, dans l'affaire du massif des Terreaux, avait
été la création d'un passage magnifique. Il avait vu jadis « l'allée»
de l'Argue, alors que, avant le percement de la rue Centrale, son
 embranchement sur la place Grenouille était la voie la plus directe
de Bellecour aux Terreaux, avoir son heure de prospérité. Il avait
vu qu'à Paris, certains passages sont des espèces de promenoirs,
toujours encombrés d'oisifs, où les plus beaux magasins sont
réunis pour le plaisir des j e u x . Il jugeait qu'un passage bien plus
large, bien plus commode que ceux de Paris, devait avoir au
moins, toute proportion gardée, le même succès, et il considérait
volontiers, selon l'expression lyonnaise, le massif des Terreaux
comme le « rognon » de l'affaire de la rue Impériale.
   Ces raisons portaient Poncet à bâtir lui-même le massif, lors
même que cela n'eût pas été nécessaire pour répondre aux inten-
tions de M. Vaïsse qui voulait en face de l'hôtel de ville une sorte
de monument.



   L'événement a démenti toutes les prévisions. Les marchands,
qui avaient, plus que Poncet lui-même, le flair de ce qui était bon
et de ce qui était mauvais, ne se présentèrent pas, et encore moins
lorsqu'ils virent que personne ne passait dans le passage. Celui-
ci, pour lequel on avait rêvé des magasins tout en glaces et en do-
rures, dut être livré, et encore à la longue, aux petits bazars, aux
vendeurs de bric-à-brac, aux cabinets de lecture et auxmarchandes
d'oranges. Un bureau de tabac qui s'y était aventuré imprudem-
ment au début, bien que tout près de l'entrée, dut vite retourner
en dehors, sur la place, d'où il était venu. Amère raillerie, le
passage des Terreaux était à cent lieues au dessous de celui de
l'Hôtel-Dieu.