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254 LA REVUE LYONNAISE cheur,en vue d'un succès si aléatoire. Quant à M. Lefort, il trou- vera un employé modèle où il pourra, mais il fera bien de ne plus compter sur moi, je le lui signifierai dès demain. » Mmo Lejarrois écouta sans sourciller cette virulente apostrophe. Quand elle fut finie : « Avez-vous tout dit ? fit-elle. — Oui, répondit laconiquement Ghauret. — Je ne vous ai jamais affirmé, reprit la veuve, que la réussite fût certaine, mais probable. L'événement m'aurait sans doute donné raison, si M. d'Artannes n'était venu créer un obstacle qu'on ne pouvait empêcher, mais sur la non-arrivée duquel il était per- mis de tabler, vu la vie très retirée de Séverine. Pour moi, rien ne me paraîtrait plus mal avisé de votre part que de ne point avoir pendant quelque temps encore la patience que vous avez eue pen - dant deux ans. Que Mme Evrard ait usé de toute son influence sur M. Lefortpourlegagnerà la cause de M. d'Artannes, cela me sem- ble certain, mais rien ne prouve encore qu'elle ait réussi auprès de lui comme elle n'a que trop bien réussi auprès de Séverine. M. Le- fort n'est pas favorable à M. d'Artannes, il s'est déclaré en votre faveur. Avec un tel allié, ce serait folie d'aller compromettre par un coup de tête la situation excellente que vous avez acquise. Sa- chez attendre, surveillez, comme je le ferai de mon côté, les démar- ches de Mme Evrard et celles de M. Maurice, tenons-nous à l'affût du moindre incident ; peut-être s'en prèsentera-t-il un dont nous pourrons profiter. En un mot, tant que Séverine ne sera pas Mmo d'Artannes, ne vous découragez pas. » Au point où en étaient les choses, le dénouement, quel qu'il fût, ne pouvait tarder. C'est ce que se dit Ghauret reconnaissant qu'a- près tout les conseils de Mme Lejarrois avaient du bon. Mm0 Lejarrois, en sa qualité de parente, avait ses grandes et ses petites entrées à l'hôtel Lefort. Elle s'arrangea pour voir assez fréquemment le banquier et sa fille, et rien ne lui fit supposer qu'un mariage fût en train de se décider. M. Lefort était plus taci- turne, plus soucieux que jamais ; Séverine se montrait calme, froide, peu expansive. Un peu rassurée, Mme Lejarrois voulut sa- voir ce qu'étaient devenus Maurice et Clotilde. La jeune femme venait de .quitter Paris, pour se rendre en Touraine chez des pa-