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LE MARIAGE DE S É V E R I N E 259 a ajouté qu'elle se chargeait maintenant d'obtenir le consentement de son père en détruisant cette calomnie. —- Mais, dit Maurice, M. Lefort sait bien la vérité ; quand vous avez été lui expliquer ce que j'avais fait de la. fortune de ma mère, vous vous êtes munie de la lettre de mon père et il l'a lue? — Oui. — Il ne m'a donc pas refusé pour avoir donné tout ce que je possédais à ma maîtresse, puisqu'il voyait que Clémence était ma sœur ? — En effet, dit Glotilde troublée. — Il m'a refusé parce que je suis pauvre. » Clotilde ne répondit pas. « Il ne m'acceptera pas plus aujourd'hui, continua Maurice avec une triste ironie : ma position n'a pas changé. — Séverine le fléchira. — J'en doute, mais en ce cas je refuserais à mon tour. —• Songez-vous à ce que vous dites ? fit Glotilde stupéfaite. — Parfaitement, reprit M. d'Artannes avec le plus grand calme, je suis pauvre, et on me l'a fait assez sentir dans cette circonstance pour que je ne sois pas tenté de l'oublier. Je dois me montrer d'autant plus jaloux de ma dignité que c'est tout ce qui me reste avec mon nom. Nous autres gentilshommes, on a pu nous prendrenos privilèges avec nos biens ; mais on ne peut, j'imagine, nous empêcher de remplir les devoirs d'honneur et de délicatesse que nous impose le sang dont nous sortons. Si M. Lefort dit « oui », à moi de dire « non ». — Quel homme vous êtes! s'écria Glotilde d'un ton où l'impa- tience déguisait mal une certaine admiration, prétendriez-vous que M. Lefort vînt lui-même vous offrir sa fille? — Non pas ; mais, quand je la lui ai demandée, il n'avait qu'à mieux réfléchir. Je ne suis pas de ceux qu'on repousseun jour pour les rappeler le lendemain. — C'est votre dernier mot? — Le dernier. » Après un silence : « En vérité, mon cher Maurice, dit Clotilde, j'avais bien raison autrefois de penser qu'il faudrait vous faire violence pour vous