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402                       LA REVUE LYONNAISE
trop de sa juvénile gaîté. Jeune homme, il aimait la vie pour
ce qu'elle vous promet; vieillard, il l'aime encore pour ce qu'elle
vous rappelle. Et voilà pourquoi maintenant la critique alterne
avec le conte, l'étude avec l'épisode, les portraits avec les souve-
nirs intimes.              ,
   Dieu me garde de vouloir diminuer en rien les services qu'a
rendus à notre littérature contemporaine l'illustre feuilletoniste;
mais ne pourrait-il pas me permettre de déplorer le nombre crois-
sant des recrues qui s'enrôlent tous les jours sous le drapeau de
la critique ? Si cela prouve notre talent d'analyse, rien ne prouve
moins notre génie d'invention.
   Paresseux à créer, nous nous plaisons à critiquer, sans nous
douter qu'en cela nous ressemblons d'assez près à ce célibataire
impuissant qui reprochait à une mère les nombreux défauts de son
enfant. Il n'est pas rare à notre heure, et mon étude en est la
preuve, de lire un critique qui se fait le censeur d'un autre
 critique. Descende cette échelle infinie de critiques, et vous
 tombez droit sur un pauvre auteur qui finit par avoir plus de
 mal à défendre son livre qu'il n'en a eu peut-être à l'écrire 1.
 La faute en revient-elle à ce goût que nous paraissons prendre
  aux sciences expérimentales, ou à la nonchalance de notre
 esprit, ou bien encore à la débilité croissante de nos facultés
 créatrices? Je ne sais. Quoi qu'il en soit, à la foule tumul-
 tueuse de ceux qui ont envahi le Temple du Goût, il en est
 qui président dignement. Si M. de Pontmartin a trop de modestie
 pour vouloir prétendre, même aujourd'hui, à ce fauteuil, qu'il
 me permette de le lui offrir, en attendant qu'on lui en prépare
 un autre.
    Dans le courant de ces deux années, M. de Pontmartin a fait
 paraître trois volumes : Nouveaux Samedis, Souvenirs d'un
 vieux Critique, Souvenirs d'un vieux Mélomane,
    La manière de ces divers ouvrages, comme de tous les précé-
 dents, peut se définir d'un mot : causeries. Le charme de cet écri-
 vain, c'est de rendre compte d'un livre avec une franche bonho-

  1
    La Bruyère disait: « Il n'y a point d'ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier
au milieu de la critiqnej si son auteur voulait en croire tous les censeurs qui ôtent
chacun l'endroit qui leur plaît le moins. »