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LE MARIAGE DE S É V E R I N E 185 démarches, mais, soit qu'elle s'en aperçût et se tint sur ses gar- des, soit que ses mesures fussent bien prises, je ne découvris rien; d'ailleurs cet espionnage me répugnait et j'y renonçai vite. Les choses en étaient là , quand le hasard se chargea de me faire con- naître la triste vérité. « Un jour, il y avait environ deux ans que j'étais de retour, Séve- rine gardait le lit par suite d'une de ces indispositions si fréquentes chez les enfants. Profitant d'un instant de liberté, je quittai mes bureaux et passai chez moi; en ouvrant la porte de la chambre de ma femme, j'eus le temps de la voir qui lisait attentivement une lettre. Elle se retourna au bruit que je fis, pâlit et voulut dissi- muler ce qu'elle tenait, « — Clémence, que lisez-vous donc là ? lui demandai-je d'un ton que je tâchai de rendre naturel et indifférent. » Il y avait dans ma voix cependant quelque chose d'insolite qui l'effraya, car son trouble s'accrut; néanmoins elle essaya un sou~ rire et me répondit : « — Mais rien d'intéressant, mon ami, je vous assure. « — N'importe, je vous prie de me donner cette lettre. « —Vous ne l'aurez pas, dit-elle avec résolution, et se diri- geant vers la cheminée, elle jeta la lettre au feu. » « Mais je ne perdais de vue aucun de ses mouvements; je m'é- lançai et saisis le papier avant que la flamme l'eût atteint. Je le parcourus d'un œil avide, le voici. » Et M. Lefort tendit à Glotilde la lettre qu'il avait tirée de son bureau; c'était bien en effet l'écriture du général. Elle lut ce qui suit : « Notre enfant va bien et se trouve toujours chez la brave femme que vous savez. J'ai pu aller l'embrasser dernièrement. Où et quand aurai-je le bonheur de vous voir? « ARMAND. » « Je regardai ma femme après cette lecture, reprit M. Lefort,elle était devant moi, debout, hautaine, presque provocante! Avant