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186                    LA REVUE LYONNAISE
que, revenu de l'anéantissement où ces lignes m'avaient plongé,
j'aie pu recouvrer la parole, je l'entendis qui, d'une voix sèche et
tranquille, me disait:
     « — Vous avez voulu savoir, vous savez. Toutcequeje pourrais
vous dire serait inutile. Quel titre pourrais -je avoir à votre indul-
gence? Un seul peut-être : le repentir; je ne me repens pas. Vous
le dire serait un mensonge. Faites de moi ce que vous vou-
 drez. »
     « Cette impudence me stupéfia, mais je fis un appel énergique à
ma volonté, et je surmontai ma colère. Que répondre à cette
 femme? Rien, Elle ne m'aurait pas compris.
     « — Si Séverine n'était pas là, lui dis-je enfin, je vous tuerais,
 aussi vrai qu'il y a un Dieu; mais cette enfant à qui vous n'avez
 pas su conserver sa mère sans tache, cette enfant dont vous n'avez
 pas respecté le berceau, cette pauvre enfant intercède pour vous
 aujourd'hui. A cause d'elle, rien ne sera changé, du moins en ap-
 parence, à notre genre de vie. Si bas que vous soyez tombée, vous
 voyez assez, je suppose, le tort immense qu'un scandale ferait à
 son avenir, pour sentir qu'il doit être à tout prix évité; c'est le motif
 qui m'engage, non à vous pardonner, mais à prendre sur moi d'agir
 comme si je vous pardonnais. A vous de comprendre que rien dans
 votre conduite ne doit trahir votre honte.
     « Depuis ce jour, ma chère Glotilde, je ne vis plus ma femme que
 lorsque cela était indispensable pour empêcher ces tristes événe-
 ments de transpirer, et de servir de thème aux oisifs et aux mal-
 veillants. J'acquis la conviction que la faute et ses conséquences
 avaient été entourées du plus profond mystère, et que le monde,
 si avide en pareille matière de commenter, de divulguer ce qui est
  ou même ce qui n'est pas, n'avait eu aucun soupçon. Soit que je
  l'eusse rangée à mon désir de fuir tout éclat, dans l'intérêt de Séve-
 rine, soit qu'elle redoutât ma colère pour son complice, rien dans
  ses agissements, minutieusement surveillés cependant, ne put me
 mettre sur la trace du misérable qui avait brisé pour moi tout
 espoir de bonheur domestique, et elle mourut sans que j'aie trouvé
 cet homme, sans que je puisse lui demander raison de tout le mal
 qu'il m'avait fait. Pour éclairer mes recherches, cette lettre, cette
 lettre seule, qui pendant si longtemps ne m'a rien appris, et qui