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LA LÉGENDE D'ŒDIPE 125 comment il a été exposé. Jocaste conçoit aussitôt d'affreux soup- çons et fait venir les serviteurs chargés jadis par Laïus d'exposer le nouveau-né. Ceux-ci avouent leur fraude et Œdipe se crève les yeux. « LeRoman de Thèbes, dit M. Constans, fut le moule dans lequel la légende se conserva pendant quatre siècles dans toute sa robuste vigueur, pour faire plus tard de nouveau place à la forme antique rajeunie par le génie littéraire delà Renaissance ». Je ne saurais avoir l'intention d'étudier ni même de passer en revue les nombreuses pièces qu'ont inspirées les malheurs d'Œdipe, et dont la dernière est, je crois, de Marie-Joseph Chénier, et ne fut pas représentée. Toutes, à peu de chose près, sont tombées dans un juste oubli. Je dirai seulement un mot de l'Œdipe de Corneille et de celui de Voltaire moins, il faut avoir le courage de l'avouer, à cause du mérite de ces deux tragédies, que par respect pour le nom des auteurs. On sait dans quelle occasion Corneille fut amené à écrire son Œdipe. Eloigné du théâtre depuis 1652 par la chute de Pertha- rite, il vit Fouquet le solliciter de rentrer dans la lice après un silence de sept ans. Il avait été admis au nombre des gens de lettres que le fastueux surintendant favorisait de ses bienfaits. Invité par lui à travailler de nouveau pour la scène, il ne sut pas résister à un ordre qu'il avait peut-être provoqué, et il prie son Mécène de lui donner un sujet : Choisis-moi seulement quelque nom dans l'histoire Pour qui tu veuilles place au temple de la Gloire, Quelque nom favori qu'il te plaise arracher A la nuit de la tombe, aux cendres du bûcher. Fouquet indiqua Œdipe, Camma et un troisième sujet qu'on ignore. Camma fut traité par Thomas Corneille. On peut voir dans Y Avis au lecteur dont il a fait précéder sa pièce lès raisons sur lesquelles Corneille croit pouvoir s'appuyer pour défendre les changements qu'il a introduits dans la donnée antique. En ne montrant pas sur la scène Œdipe après le terrible châtiment qu'il s'inflige, il a voulu ménager « la délicatesse de nos dames, qui composent la plus belle partie de notre auditoire, et