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126                  LA R E V U E LYONNAISE
dont le dégoût attire aisément la censure de ceux qui les accompa-
gnent ». Il se félicite d'avoir introduit « l'heureux épisode des
amours de Thésée et de Dircé           l'amour n'ayant point de part
dans ce sujet, ni les femmes d'emploi, il était, dénué des principaux
ornements qui nous gagnent d'ordinaire la voix publique ».
   « Corneille, dit M. Patin, altère la simplicité du sujet et en efface
l'intérêt pathétique. Il ne reste de son ouvrage que de riches lam-
beaux de poésie, quelques traits pris à Sénèque, d'autres dérobés
par Voltaire ».
   Une scène de l'Œdipe de Corneille est restée dans la mémoire
des amateurs, celle où se trouve le morceau de Thésée que Vol-
taire apprécie en ces termes : « Il contribua beaucoup au succès
de la pièce. Les disputes sur le libre arbitre agitaient alors les
esprits. Cette tirade de Thésée, belle par elle-même, acquit un
nouveau, prix parles querelles du temps ».
   Voltaire était très jeune quand il fit représenter son Œdipe
(nov. 1718.) La pièce eut un très grand succès, et l'on voit par les
lettres sur Å’dipe que l'auteur en fut, qu'on me passe le mot, un
peu grisé. Il veut bien rendre justice à Sophocle, mais dans quels
termes! « J'avoue, dit-il, que peut-être, sans Sophocle, je ne se-
rais jamais venu à bout de mon Œdipe; je ne l'aurais même j a -
mais entrepris ». Il est également très sévère pour Corneille dont
la pièce, assurément, ne vaut pas la sienne, et qui s'est beaucoup
plus que lui écarté de Sophocle. Mais enfin l'épisode de Philoctète
et de Jocaste, imposé à Voltaire par les comédiens, a-t-on' dit pour
l'excuser, ne vaut guère mieux que celui de Thésée et de Dircé.
Quel ridicule n'y a-t-il pas à faire soupirer langoureusement Jo-
caste, quand on songe à l'âge qu'elle a nécessairement! Avec une
intrépidité toute juvénile, l'auteur nousaffirme qu'elle n'a pas plus
de trente-cinq ans, mais il omet de prouver son affirmation. Je me
hâte de reconnaître que Voltaire avec le temps expia ces premiers
mouvements de vanité par un jugement plus sain et plus impartial.
   Son Œdipe jouit longtemps de la faveur publique, il remplaça au
théâtre celui de Corneille, et s'y maintint sans peine contre la tra-
gédie en vers, d'abord, en prose ensuite, que La Motte voulut lui
opposer.
   Sans partager l'enthousiasme des contemporains, enthousiasme