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98                    LA REVUE LYONNAISE
 du ton le plus sérieux, que vous me paraissez vous exagérer un
 peu la valeur de M. Ghauret, C'est un parti souhaitable, je vous
l'accorde, encore qu'il ne possède rien et qu'il n'ait eu sous les yeux,
 grâce à son père, d'autre exemple que la prodigalité et l'incurie,
 pour ne pas dire plus, mais il ne vous sera vraiment pas difficile de
trouver aussi bien.
    — Qui sait? je connais Fernand depuis longtemps; j'ai toujours
vu en lui un esprit travailleur, rompu aux affaires et nullement en-
 clin à la dissipation. Les pères prodigues ont parfois des fils ava-
 res. Puis quelle sécurité c'aurait été pour moi de marier Séverine
 à ce garçon qui vit en quelque sorte sous mes veux. Il eût continué
 cette maison que j'ai fondée avec tant de peine, il connaissait mes
 habitudes, mes idées, mes projets...
    — Voilà qui est bien, et je ne doute pas queM. Ghauret ne soit
 pourvu au plus haut degré de tous les mérites que vous énumé -
rez. Mais il s'agit de choisir un mari pour Séverine et non un
 successeur pour vous, qui n'en avez nullement besoin d'ailleurs,
 grâce à Dieu. Vous me pardonnez de vous parler avec cette fran-
 chise. Ne m'avez-vous pas permis de m'occuper du mariage de
 votre fille en me confiant la mission de lui parler de M. Ghauret ?
    — Ma chère Clotilde, vous n'avez pas de permission à recevoir
 de moi. Vous aimez Séverine comme une soeur, vous désirez son
 bonheur autant que je puis le désirer moi-même. Je serai toujours
 heureux de vous voir songer à son établissement. Puissiez-vous
 réussir, c'est mon vœu le plus ardent.
    — Vous m'avez chargée aussi, monsieur, de savoir si Séverine
n'aimerait pas quelqu'un ?
    — C'est vrai.
    — Vous avez ajouté que, dans ce cas, vous consentiriez sans dif-
ficulté à son mariage ?
    — C'est encore vrai, dit M. Lefort d'un ton où perçait le regret
de s'être peut être trop engagé.
    — Donc, une fois ma conviction faite que Séverine n'épouserait
jamais M. Chauret, j'ai entrepris de la confesser et j'ai réussi.
Votre fille m'a avoué, après un peu d'hésitation, qu'elle avait re-
marqué quelqu'un.
    — Qui?