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LE MARIAGE DE SÉVERINE 67 présent que tu m'a tiré tout mes petits secrets, les étaler brusque- ment devant mon père ! — Soyez tranquille, mademoiselle, nous saurons ménager aussi bien votre dignité que votre bonheur. » Clotilde avaitpour principe d'être expéditive en affaires, surtout quand il s'agissait de servir les gens. Obliger vite, c'est obliger deux fois, disait-elle. L'amour-propre bien naturel que met l'auteur à poursuivre le succès et l'achèvement de son ouvrage la poussait d'ailleurs. Le mariage de Maurice et de Séverine ne serait-il pas son œuvre? n'en avait-elle pas, la première, conçu l'idée? Elle se rendit donc le lendemain chez M. Lefort et le trouva dans son cabinet ; Fernand Ghauret qui travaillait avec le banquier se leva, et la salua respectueusement. « Cher monsieur, dit Clotilde, pouvez-vous m'accorder un mo - ment d'entretien particulier? — A vos ordres, chère amie, dit M. Lefort. Ghauret, continua - t-il en /adressant au jeune homme qui se dirigeait discrètement vers la porte, portez ces papiers à la caisse. » Fernand sortit après avoir salué de nouveau Mme Evrard, mais avec un air de défiance qui n'échappa point à celle-ci. « Je vous écoute, dit M. Lefort curieux de connaître le résultat de l'entretien de Clotilde avec sa fille. — J e me suis acquittée de la mission dont je m'étais chargée pour vous plaire, monsieur, dit Clotilde; mais j'ai le regret de vous apprendre que je n'ai pas obtenu la réponse que vous espériez. Séverine a refusé M. Ghauret, et cela dans des termes qui ne p e r - mettent pas l'espoir de la faire revenir sur cette décision. — Mais enfin, dit M. Lefort visiblement désappointé, quelle raison a-t-elle pu vous donner ? — Celle qu'elle vous a donnée toujours : elle ne l'aime pas, elle ne l'a jamais aimé. Vous dirais-je toute ma pensée? J'ai cru com- prendre qu'elle avait pour lui non-seulement de l'indifférence, mais même de l'aversion. — Encore un déboire! dit le banquier avec impatience ; me voici de nouveau à me demander quand et comment je la marierai. Je ne trouverai jamais un gendre comme Ghauret. — Permettez-moi de vous faire observer, monsieur, dit Clotilde AOUT 1881 — T. I I . 7