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                    LE MARIAGE DE SÉVERINE                             87
   nez-moi et laissez-moi tout dire, lit-il en voyant que la jeune femme
   allait l'interrompre. C'est vous qui m'avez fait connaître Séverine,
   c'est vous qui, plus imprudente encore que moi, l'avez placée sur
   mon chemin ; vous n'avez pas vu, vous n'avez pas voulu voir qu'à
   mon insu l'amour pénétrait dans mon âme, et à présent que, par
   votre faute, je le répète, j'aime éperdûment, et sans espoir, vous le
   savez mieux que personne, vous venez me dire qu'il me faut épou-
  ser MUe Lefort.'
     — Maurice, répondit Clotilde sans paraître ni troublée ni fâchée,
  si vous m'aviez laissée dire, vous n'auriez pas eu à m'accuser, je
  me serais justifiée auparavant; tout, ce que vous croyez devoir me
  reprocher, je le sais. Oui, j'ai vu, ce n'était pas difficile, que vous
  aimiez Séverine; oui, je vous dis à présent de l'épouser, parce que de
  tout temps je vous ai jugés dignes l'un de l'autre, et si j'ai laissé en
 parfaite connaissance de cause votre amour grandir, c'est que
 j'étais convaincue, comme je le suis encore, que vous n'avez qu'à le
 vouloir pour être uni à Séverine. Voyons, mon cher ami, conti-
 nuât-elle en se rapprochant du jeune homme et lui prenant affec-
 tueusement la main, tâchez de vous voir ce que vousêtes et nevous
 abandonnez pas à ce que votre caractère a d'inquiétude et de
 propension à prendre les choses au pis. Je n'ai pas de fortune, me
 direz-vous; mais l'argent n'est pas tout dans ce monde, même,
 croyez-moi, au temps où nous vivons. Vous avez, en revanche, des
 avantages que bien des gens payeraient ce qu'on voudrait,
 n'était que leur valeur vient précisément de ce qu'on ne les achète
pas. Votre famille est sans tache, votre nom presque illustre et
vous lui donnerez, j'en ai la ferme conviction, un éclat nouveau :
vous êtes le cœur le plus noble et le plus loyal que je connaisse; si
vous épousez Séverine, lequel des deux sera l'obligé de l'autre? Ce
ne sera peut-être pas vous, quoique vous en pensiez. Donc si vous
l'aimez, comme vous le dites, bon courage, bon espoir, elle sera
votre femme et vous me remercierez tous deux d'un bonheur qui
fera le mien.
   — Ah! dit Maurice, je -vous écoute, je voudrais vous croire, et
je ne l'ose pas. Présenté par vous tout cela, j'en conviens, a une
apparence de possibilité; mais pourquoi m'éblouir par un si beau
rêve, quand sa réalisation est, quoique vous assuriez, si peu