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88 LA R E V U E LYONNAISE probable? Et d'ailleurs, ajouta-t-il en se levant et en marchant avec agitation, quand bien même M. Lefort consentirait à me don- ner sa fille, quand bien même Séverine, dont nous n'avons pas parlé dans tout cela, ne mettrait point d'obstacle à m'accorder sa main, je veux croire que j'aurais encore le courage de dire non. — Gomment cela, êtes-vous fou, ne put s'empêcher de s'écrier Clotilde, ai-je bien entendu, vous refuseriez ? — Oui, Croyez-vous que je sois curieux d'entendre dire partout que mon mariage est une belle affaire, que j'ai vendu et mon titre et mon nom? Croyez-vous surtout que je veuille laisser Séverine soupçonner que mon amour masque un calcul ? Plutôt ne jamais, l'obtenir, plutôt vivre toujours loin d'elle, que de lui fournir le plus léger prétexte d'avoir un instant sur moi une semblable opi- nioh. » Il était fort exalté ; Clotilde eut quelque peine à lui faire envisa- ger les choses sous un jour plus juste, à lui persuader que si on se souciait de l'appréciation du monde on ne ferait jamais rien, et que Séverine, dont il devait uniquement s'occuper, avait le coeur trop haut placé pour concevoir jamais une telle idée de celui à qui elle se donnerait. Il se calma et finit par promettre de suivre en tous points les conseils de Mme Evrard. On convint que rien ne serait changé, que Maurice continuerait à venir chez Clotilde et à se montrer, comme parle passé, plein d'un empressement respectueux pour M1Ie Lefort quand il la verrait. Ainsi fut dit, ainsi fut fait, et Maurice sut prendre sur lui de jouer convenablement son rôle. A leur première rencontre, Séve- rine le plaisanta à propos de l'attitude de beau ténébreux, qu'il avait prise à son bal ; Maurice s'excusa de son mieux sur sa sau- vagerie, et leurs relations ne furent pas modifiées, au moins en apparence.