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84 LA R E V U E LYONNAISE le questionnant sur ses travaux, sur les nouvelles' du jour; elle semblait l'entendre avec plaisir; elle aussi à son tour racontait ce qu'elle avait fait, ce qu'elle avait vu, ou lui demandait son avis sur une fleur de tapisserie, sur un morceau de musique, sur un objet de curiosité dont elle avait fantaisie.,. Gomme le temps coulait vite alors, comme les heures s'envolaient, comme on était surpris que le moment de se quitter arrivât sitôt : déjà ! s'écriait-on quand il fallait partir, et on se séparait en se disant : à bientôt, quelquefois : à demain. Hélas ! tout cela ne devait pas tarder à finir, tout cela même était fini peut-être... Il fut brusquement ramené à la réalité par quelqu'un qui lui frappait sur l'épaule; il se retourna, c'était Glotilde donnant le bras à un jeune homme d'environ vingt huit ans, aux traits vulgaires, à la physionomie dépourvue d'expression, mais paraissant au plus haut degré infatué de sa personne. « Mon ami, lui dit Mme Evrard, permettez-moi de vous présenter Monsieur le baron Fernand Ghauret.,. Monsieur le comte d'Àrtan- nes, continua-t-elle, en désignant Maurice. » Les deux jeunes gens échangèrent un salut, cérémonieux chez le baron Ghauret, presque impertinent chez Maurice. En effet, le personnage dont il venait, bien contre son gré, de faire la connais- sance était certainement celui qui lui avait le plus donné sur les nerfs depuis, le commencement de la soirée. Pour des raisons que nous saurons plus tard, M, Ghauret se regardait un peu comme chez soi dans le salon de M. Lefort, On le voyait aller de tous côtés d'un air important, donnant des ordres aux musiciens, aux domes- tiques, ne se gênant pas pour venir à tout propos accaparer Séve- rine et avoir avec elle d'interminables conférences sur ce qu'il convenait de faire ou de ne pas faire, et sur le cotillon qu'il devait conduire, bien entendu. Il présentait ses amis à la jeune fille, il offrait son bras aux dames pour les mener au buffet, leur en faisait les honneurs, etc. «Monsieur, dit-il à Maurice, j'ai mille remerciements à faire à me M Evrard qui a bien voulu me mettre en rapports avec vous. Mon père me parle bien souvent du général qu'il avait l'honneur de compter au nombre de ses meilleurs amis, et il ne tiendra pas à moi que les mômes relations ne s'établissent entre nous.