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                   LE MARIAGE DE SÉVERINE                              85
    — Monsieur, j'en serais assurément très flatté, répondit Mau-
 rice d'un ton qui n'avait rien d'encourageant. »
    Et la conversation en resta là.
     « Pourquoi m'avez-vous amené cet imbécile? dit Maurice à
 Clotilde en la rejoignant quelques instants après.
    — Mon Dieu ! mon cher, j'ai prononcé, je ne sais à quel propos,
 votre nom devant M. Ghauret, et il m'a dit que son père avait été
 fort lié avec le vôtre en me témoignant un grand désir de vous
 connaître. J'ai saisi avec empressement ce moyen qui s'offrait à
 moi pour vous tirer de la contemplation où vous étiez abîmé de-
 vant Mlle Lefort; on aurait fini par le remarquer, et c'aurait été
 absurde. Faites comme tout le monde, causez et dansez, ou allez-
 vous-en.
    — Vous avez raison, murmura Maurice après un instant de
 silence, et il sortit brusquement. »
    Il n'était pas dans la rue qu'il se repentait déjà de ce qu'il ve-
 nait de faire; il aurait dû se contraindre et rester, il aurait souffert
 sans doute de voir Séverine au milieu de.tout ce monde, mais au
 moins il eût été près d'elle. Pourquoi n'avait-il pas eu la force
 d'imiter les autres, de se mêler à cette petite cour où trônait si
 gracieusement la jeune fille, de lui montrer par son assiduité et sa
complaisance ce qu'il y avait en lui de dévouement sincère et vrai?
Mais non, il avait préféré se retirer en boudant ; à quoi cette triom-
phante idée l'avait-elle mené? A se faire donner très justement
une leçon par Clotilde et à se voir en quelque sorte forcé de quitter
la place, tandis, que les autres, les indifférents, restaient près
d'elle, pouvaient la voir, lui parler et ne soupçonnaient pas seule-
ment le prix d'un bonheur qu'il aurait, lui, payé de sa vie. Il fut
tenté de remonter, mais il eut assez d'empire sur lui-même pour
n'en rien faire; du moins il ne put s'empêcher de se promener
sous les fenêtres étincelantes de lumières, écoutant le bruit d e l à
musique et voyant les ombres des danseurs paraître et disparaître
d'un mouvement joyeux ; il était au supplice, mais il ne pouvait
prendre sur lui de s'éloigner.
   L'heure s'avançait, on commençait à partir. Une à une il vit les
voitures entrer dans la cour de l'hôtel, s'avancer lentement en fai-
sant crier le sable sous les roues et s'arrêter devant le perron. Les