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2} 8          UNE PAGE DE LA VIE LYONNAISE

les admirateurs de M. Ballanche : Camille Jordan, Dugas-
Montbel et vous-même Monsieur, dont les regrets devaient,
dans cette terrible circonstance, m'être d'autant plus précieux
que je connaissais l'extrême admiration de M. Ballanche
pour votre talent et que je la partageais parfaitement.
   « Ma santé, fort altérée depuis quelques années, et le
triste état de mes yeux ne me permettent d'écrire qu'en
dictant et avec le secours d'une main étrangère; mais j'avais
à cœur de vous faire exprimer combien j'avais été sensible à
votre souvenir, combien les regrets que vous m'exprimez
sur la perte de l'ami si cher qui nous est enlevé m'ont
émue, et j'oserai vous demander d'exprimer aux amis que
M. Ballanche laisse à Lyon, et en particulier à Mmc de Ser-
mézy, combien il me semble que la communauté de regrets
forme entre eux et moi un lien puissant, dont vous êtes le
nœud. »


   N'est-il pas vrai que ces années d'exil s'étaient écoulées
bien vite, animées par l'esprit, charmées par la beauté,
embellies par les arts et consolées par l'amitié dans la patrie
lyonnaise. — Les exilés le sentaient bien quand, l'épreuve
finie, ils reprenaient sans entrain le chemin de ce Paris si
longtemps désiré : — au fond de tous les cœurs se posait
tout bas cette question troublante que Camille Jordan osait
faire tout haut :
   « Ne regretterons-nous pas le temps où nous étions
malheureux? »
   Malheureux '. Ils ne l'avaient jamais été : — Celui qui
peut dire qu'il a un ami n'a pas le droit de se croire
malheureux.

                                           E.   RICHARD.