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 I2Ô          UNE PAGE DE LA VIE LYONNAISE


                                           Février 1813.

           MADAME,


    « Je me demande si vous savez combien a été aimable la
 promesse que vous avez exigée de moi, de vous écrire le
 soir même du jour de votre départ. Vous avez senti combien
 votre absence m'allait être pénible, après la si douce habi-
 tude que vous aviez bien voulu me laisser contracter de
 vous voir tous les jours. Vous avez voulu adoucir autant
 qu'il était en vous l'amertume que je devais en ressentir.
   « Vous êtes bien la plus excellente des femmes. — Je
 dois vous l'avouer, Madame, il m'est arrivé assez souvent
de me trouver tout étonné des bontés que vous avez eues
pour moi. Je n'avais point lieu de m'y attendre, parce que
je sais combien je suis silencieux, maussade et triste. Il
faut qu'avec votre tact infini vous ayez bien vite compris
tout le bien que vous deviez me faire. Vous qui êtes l'indul-
gence et la bonté en personne, vous avez vu en moi une
sorte d'exilé et vous avez compati à cet exil du bonheur.
    « Un naturel un peu timide met trop de réserve en tous
 mes discours. J'écrirai ce que je ne pouvais prendre sur
moi de dire. — Permettez-moi à votre égard les sentiments
 d'un frère pour sa sœur. J'aspire après l'instant où je
pourrais vous offrir, avec ce sentiment fraternel, l'hommage
du peu que je puis. Mon dévouement sera entier et sans
réserve. Je voudrais votre bonheur aux dépens du mien, il
y a justice à cela, car vous valez bien mieux que moi.
    « Tous les soirs je consacrerai quelques instants à
Antigone, je tâcherai de la faire semblable à vous, ce sera
un moyen de me distraire du souvenir des soirées que
j'avais coutume de passer auprès de vous, sans me distraire