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120 UNE PAGE DE LA VIE LYONNAISE avant de prendre la peine d'étudier ce qui leur est néces- saire pour y tenir un rang distingué. « Mme de Staël combattit vivement mon opinion ; et s'il ne me fut guère possible de sortir vainqueur de cette lutte, du moins eut-elle l'avantage de me faire admettre dans la société intime d'une femme célèbre : — J'y passais souvent la soirée. » C'était un cercle privilégié, où l'on rencontrait Camille Jordan, Mme de Sermézy, plus tard la duchesse de Chevreuse et sa belle-mère Mme de Luynes, Mme Récamier, ses amis, Mathieu de Montmorency, et le bon Ballanche à la figure si lyonnaise. N'est-ce pas un spectacle curieux que cette réunion d'esprits supérieurs, symbolisant des éléments si divers et s'attirant les uns les autres. Permettez-moi de vous pré- senter tour à tour chacun de ces personnages : « Mme de Staël n'était pas jolie, dit l'un de ses admira- teurs (9) ; mais il y avait dans l'éclair de ses yeux noirs un charme irrésistible, et elle possédait au plus haut degré le don de subjuger les caractères opiniâtres et de rapprocher, par son amabilité, des hommes tout à fait antipathiques. — Elle avait la voix forte, le visage un peu mâle, mais l'âme tendre et délicate. » « Ses yeux superbes dans lesquels une grande âme divine non seulement étincelle, mais jette feu et flamme (10), » ne sont-ils pas comme l'incarnation de l'esprit ? (9) Œlilenschlteger (Adam-Gottlob), poète danois. (10) Werner (Frédéric-Louis-Zacharie), poète dramatique allemand.