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                 ÉPITRES D'ANGE POTITIËN.              427

l'habitude de broyer des couleurs sous ses vers ravissans.
Homère ose donner un visage au maître de l'Olympe, qui
ne put désavouer ce sublime artiste dans les noirs sourcils
qu'il lui peint, et dont le plus léger mouvement mettoit en
souffrance la nature entière, quand les astres eux-mêmes
suivoient involontairement ces immortels sourcils, et que
tous les habitans du ciel, saisis d'une crainte respec-
tueuse, se levoient en voyant paroître une majesté si
imposante. Avec des teintes moins sublimes, mais aussi
vraies, le prince des poètes rendit les traits divers des
dieux, des déesses, des héros ; ceux de Mars qui faisoit
retentir la terre de sa voix énorme répétée par les échos
du pôle, lorsque blessé par un mortel il couvroit neuf
arpens de son vaste corps, et souilloit ses cheveux dans la
poussière ; ceux de Minerve qui, se confiant sur l'immor-
telle égide, protectrice de son sein, bravoit la foudre de
son père; ceux de Vénus, pleurant la blessure cruelle
qu'avoit reçue sa belle main, ceux d'Apollon, obligé d'hu-
milier son arc devant le redoutable trident, ceux de Diane
tremblante et commençant à fuir en ne voyant plus de
flèches dans son carquois. Avec les dieux et les hommes,
 Homère anime tout, les animaux horribles, les villes
 diverses, les contrées variées, les mœurs, les habitudes,
 les sentiments, les âmes : ses beaux vers donnent une
 seconde vie à la nature, étonnée elle-même de se voir si
 ressemblante dans son image.
  La vénérable antiquité donna des autels et des temples
à ce grand homme ; elle lui érigea des statues de bronze,
de marbre et d'or; il devint le seul maître, l'unique guide
de la jeunesse; les philosophes eux-mêmes se faisoient
un honneur d'être de ses disciples, les écrits des premiers
sages ne sont arrosés que de ses leçons. Les habitants du
Gange l'ont traduit depuis bien des siècles dans leur langue
antique. Sept grandes villes se disputent la gloire de lui
avoir donné le jour, Ptolémée le vengea d'un vil rhéteur
de Thrace qui vouloit flétrir son immortelle mémoire ; le