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LETTRES ARCHÉOLOGIQUES SUR LE FOREZ. 55 C'est bien le lieu qui convenait à des moines. C'est au milieu de ces harmonies paisibles, au sein de cette nature à la beauté austère, que devaient vivre et mourir ceux qui ne cherchaient ici-bas que la solitude et Dieu. Qu'importait, en effet, à ces hommes de l'esprit, comme les appelle saint Bernard, l'âpreté des lieux qui les en- touraient? Ils ne voulaient que rêver et prier, et quelle voix, quelle mélodie humaine pourraient nous redire ce qu'ils voyaient dans leurs songes, pourraient nous faire comprendre ce qu'ils admiraient dans leurs extases ? Pour eux, leur val solitaire était un coin de la patrie céleste ; il leur apparaissait revêtu de toutes les splen- deurs qu'ils entrevoyaient dans leurs rêves, et ce qui le prouve, ce sont les noms qu'ils se plaisaient à donner à leurs retraites : Carus-locus (Charlieu), Vallis-dulcis (Vau-la-Douce), Vallis-Dei (Lavaudieu), Vallis-Benedicta (Val-Benoîte), Benedictio-Dei (la Bénissons-Dieu), Sylva- Benedicta (Sauve-Bénite, du diocèse du Puy), Locus-Dei (Lieu-Dieu, du diocèse de Lyon) et tant d'autres que je ne rappellerai pas ici. Ses lignes tourmentées et brisées indiquent combien tout ce pays a tressailli sous les convulsions des vieux âges ; son aspect exerce vraiment sur votre imagination ' de mystérieuses influences, et avec leur charme indicible les incantations du passé se pressent en foule autour de vous et vous assaillent de toute part. L'antique forêt recèle dans ses flancs d'ineffables secrets; de leurs grands bras toujours verts, les vieux sapins semblent implorer éternellement le ciel, et le vent qui souffle dans leurs branches a le doux murmure d'une prière que répète dans la vallée, comme un écho loin- tain, le sourd bourdonnement du torrent. Et ces vapeurs légères qui le matin s'assemblent au