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382                      VICTOR DE LAPRADE

   La Vierge étrange sortait comme un fruit d'un arbuste
pareil à celui qui croissait sur le seuil et dont les rameaux
fleuris, pendants autour d'elle, revêtaient sa chaste beauté.
Tout était repos dans cet être gracieux, tout était silence.
Seul un divin sourire brillait sur ses lèvres. Et cependant son
âme passionnée débordait de sentiments ; mais les yeux et
non la bouche en étaient les interprètes.
          « Ainsi jusqu'au matin dans l'extase bercé,
          Sous un astre amoureux il dormait caressé.

          Et c'était chaque nuit égal enivrement. »

   Après quelques jours d'absence, le vieux maître de la
grotte y revint. Le jeune homme qui avait pris sa place lui
dit son nom, son pays, son amour pour la nature et le rêve
qui l'avait visité dans ce merveilleux abri. Le vieillard lui
rendit alors confidence pour confidence.
  Voici son histoire ou plutôt celle d'Hermia.
   Hermia naquit un jour de mai. Sans plainte, sans dou-
leurs, -assise au bord du lac et appuyée contre le tronc d'un
saule, sa mère la mit au monde près des joncs peuplés
d'oiseaux, en face des ondes azurées et vermeilles, sillon-
nées par les cygnes et les rayons du soleil qui s'y jouent.
La nature entière fêta cette naissance ; il y eut même
des prodiges dans cette matinée mémorable. Les boutons
s'épanouirent tout à coup sur leurs tiges, les animaux mal-
malfaisants se sentirent paralysés, des voix célestes se firent
entendre sous les bois, et les plantes laissèrent couler ua
miel abondant. Dans les vignes, dans les prés, dans les
champs, une pluie de fleura tomba de chaque arbre sur les
travailleurs étonnés ; l'outil pesa moins a leurs mains ; la
haine sommeilla dans les cœurs.
      « Une heure enfin coula sans mauvaise pensée. »