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VICTOR DE LAPRADE 383 Dès les premiers instants, Hennia sourit îi la vie; dès le premier instant, la nature se prodigue kHeFraja..JJllg: devient sa seule institutrice. L'enfant, dont le cœur; avait racine au sein de la nature, refusait les leçons des hommes. Le lan- gage humain lui était inconnu ; elle ne le parlait pas. « Sa voix se répandant en des murmures vagues Comme les bruits confus des feuilles et à es vagues. » Longtemps il en fut ainsi. « Elle chanta longtemps avant d'avoir parlé. » • Dès qu'elle put courir, elle s'enfuit dans les bpis. Tout le jour elle errait sous leurs ombrages, trouvant sous sa main ce qu'il lui fallait pour apaiser sa faim, la fraise, l'airelle, la mûre, et aussi le miel qui s'écoule par les fentes du chêne et le lait des brebis broutant sur les collines. Chèvres, chiens, taureaux, habitants des nids et des tanières, sautaient, mugissaient, volaient autour d'elle, l'accompagnaient dans ses courses, ou se couchaient a ses pieds. * Cet exil dans les bois, ces ébats dans les cimes, £vec lss jeunes faons les luttes et les jeux, Le babil des oiseaux et ses propres réponses, Les sources et les fleurs devinant ses désirs, C'était là d'Hermia l'enfance et les plaisirs. » Elle fuyait pour eux les rondes des jeunçs filles §t, seuls, les baisers de sa mère eurent le secret de les lui faire ou- blier. Elle comprenait, comme un langage, le bruit, la cou- leur,, le parfum. Les êtres étaient des mots pour elle. Les tristesses de la nature étajent les siennes. Un .soir, comme les chevreaux venaient bondir autour d'elle, il arriva qu'un nid tomba d'un arbrisseau ébranlé dans leur.luUe,.et que les petits oiseaux périrent foulés sous leurs pieds. IJermia ré- pandit de douces larmes sur leur sort et la nuit y mêla sa