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                         VICTOR DE LAPRADE                    3§1
Laprade, se trouvent condensés dans « HERMIA. » Hermia,
en effet, est pour ainsi dire l'incarnation de l'amour du
poète pour la nature, le résumé vivant et idéal de ses senti-
ments, le produit fatal, qu'on me pardonne ce mot, de sa
constitution intellectuelle, et non une œuvre « toute d'ima-
gination et de fantaisie, » comme il l'a écrit lui-même dans
sa Préface.
    « Un jour, obéissant à ces charmes austères
    Qu'exercent les hauts lieux sur les cœurs solitaires,
    Il voulut respirer la neige des sommets. »

   Du haut de la montagne, après s'être enivré longtemps du
souffle universel, il descendit vers la plaine. A cet endroit
d'où le regard qui s'élève vers le chemin parcouru aperçoit
le glacier ruisselant, la zone des mousses et des lichens ;
plus bas les bois de mélèzes et de chênes ; à cet endroit
d'où le regard qui s'abaisse aux pieds du voyageur fatigué
embrasse la plaine riante, les bords fertiles du lac, les co-
teaux où serpente la vigne et les plans d'oliviers, une grotte
s'ouvrait au midi. Un charmant arbrisseau,
    « Entre la vie et l'être admirable chaînon, »

déployait à l'entrée ses feuilles et ses fleurs et tempérait par
son ombre les ardeurs du soleil. Un dieu semblait être
enfermé sous son écorce, et son feuillage, qui n'avait besoin
pour cela d'aucun souffle» faisait entendre des soupirs pres-
que humains. Chaque soir, après ses courses à travers les
vallées et les collines, le poète se retirait dans la grotte pai-
sible, et chaque nuit un même songe, accompagné d'une
même fision, venait charmer son esprit et ses yeux. Au
coin le plus obscur de la grotte, une lueur semblable aux
reflets des eaux où la lune se mire, jaillissait des contours
d'un corps de jeune fille et se répandait dans l'antre tout
entier.