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372                    VICTOR DE LAPRADE

nature dans les déserts 'd'hommes. Peut-être cette nature
avec laquelle il eût voulu, comme un époux mystique, dormir
à l'ombre de la forêt, peut-être cette sirène partagea-t-elle
seule son amitié avec ce frère en douleurs, dont il ne grave le
nom que sur un tombeau, avec cet esprit éminent dont il nous
fait regretter l'abnégation, Barthélémy Tisseur, mort en
1843, lorsque le poêle n'avait guère que trente ans. Us
étaient tous deux
        Des étrangers perdus dans la cité des hommes,

comprenant mal ce que ceux-ci disent entre eux, et tous
deux
        Monts de granit coovcrls de fleurs jusqu'au sommet.

   Ces hommes ne sauraient, en effet, se rencontrer avec des
hommes ordinaires, et il y en a peu de cette façon-là. Mais
il ne faudrait pas enjconelure que le cœur du poète fût de
granit comme son enveloppe. Je ne connais pas beaucoup
d'amitiés exprimées dans un langage plus touchant et sur-
tout plus noble que celui de la dédicace des Odes et Poèmes,
de Y Invocation et des Jdieux. Il est des plantes qui ne s'ac-
commodent que d'une sorte de terrain, mais qui alors y pro-
diguent tous leurs parfums et tous leurs charmes. 11 est des
âmes réservées, difficiles, et qui, en amitié, donnent en pro-
 fondeur ce qu'elles refusent en étendue. Chez elles, le senti-
ment est une chose sainte et exquise, d'autant plus durable
qu'elle est plus concentrée, d'autant plus précieuse qu'elle
est plus rare. Il s'allie très-bien avec l'amour de la nature
et de la solitude, et quand la poésie vient encore ajouter son
empreinte à cela, il en résulte une individualité qui peut
n'être pas comprise du vulgaire, mais que la critique doit
signaler.
   Voilà le poète, voilà l'homme en traits rapides. Quelles
sont les oeuvres ?