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VICTOR DE LAPRADE 7.) Psyché est la première en date des grandes conceptions de Victor de Laprade. Je dis conception, car ce poème n'est pas une simple imitation d'une fable antique. Laprade l'a faite sienne en la christianisant. Cette re'novation est un trait de génie. Psyché n'est plus cette jeune fille grecque et païenne qui, blessée par une flèche d'Eros, s'abandonne au dieu de l'amour, ni cette femme, — vraiment femme, — qui sacrifie son bonheur à sa curiosité. C'est la femme et c'est l'âme hu- maine placée d'abord par le créateur au sein d'une merveil- leuse nature appropriée a tous ses besoins et en intimité avec cette nature et Dieu ; l'âme humaine jouissant d'une félicité fondée sur son ignorance du bien et du mal, mais qui bientôt, agitée du désir de connaître l'invisible, de possé- der l'infini, succombe à la tentation et voit sa faute punie par la déchéance et l'exil. C'est Psyché et l'âme humaine livrée aux douleurs d'une vie d'épreuves, plongée dans les ténèbres qui lui cachent la vérité dont les voiles cependant se déchirent peu a peu et qu'elle aperçoit enfin au fond de la beauté. C'est toujours Psyché et l'âme humaine que le Dieu qu'elle a perdu par sa désobéissance vient lui-même rache- ter sur la terre et qu'il conquiert à jamais pour le ciel. Mal- heureusement, ce sont elles toutes deux. Mais c'est trop Psyché et ce n'est pas assez l'âme. Dans le dessein du poète, la première n'est qu'un transparent à travers lequel nos yeux doivent distinguer la seconde et ne s'arrêter que sur elle, et dans l'œuvre, Psyché fait plus que se montrer aux regards; elle les attire et les retient. Sans les arguments placés en tête de chaque chapitre et qui expliquent l'inten- tion philosophique et chrétienne du poème, le lecteur y ver- rait une Psyché rajeunie sous le souffle moderne. L'âme reste latente, enfouie dans le mythe; elle ne s'en dégage que pour l'initié. De la i'impopularité de Laprade, impopularité qui fait sa