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CHRONIQUE LOCALE — Ils s'étaient établis, depuis le printemps dernier, dans le pli d'un charmant vallon de la Dombe, à la sortie d'une forêt et non loin d'un vaste étang dont parfois la brise du soir faisait doucement iriser l'onde. Les foins étaient rentrés, les orges étaient coupées, mais de vastes champs de blé noir s'étendaient encore au loin, promettant une nour- riture aussi saine qu'abondante. Le père était attentif et vigilant, la mère tendre et dévouée, les petits obéissants et soumis. Le bonheur semblait fait pour eux. « Hélas! disait un moine espa- gnol, où donc les avez-vous vu passer les gens heureux ? » Un architecte de Lyon, aimable convive à table, bon et serviable ami dans l'intimité, excellent père de famille dans son intérieur, mais féroce chasseur en automne, les connaissait, et en faisant bâtir, pour un client, un château dans le voisinage, il les avait souvent entendus chanter à la tombée de la nuit. L'autre jour, c'était la veille de l'ouverture de la chasse, il prend Fido, met son fusil sous son bras, monte dans le bijou des chemins de fer, celui de la Dombe, serre la main du chef de train, dit bonjour au contrôleur et s'arrête à une gare, ce n'était pas Villars. Il voulait n'entrer en chasse que le lendemain; cependant au buffet, il charge son fusil et se dirige vers ses tourelles en construc- tion, en faisant un léger détour. Il longe l'étang, suit les bords de la forêt, écoute et dit à Fido qui pointait : Tout beau, Fido, elles sont là , mais c'est pour demain ; à moins cependant Tout-à -eoup, un coup de fusil retentit dans le bois ; l'architecte se précipite : — Ah ! mon Dieu ! qui a tiré ? A trente pas de là , dans un fourré épais, l'architecte furieux se trouve nez à nez avec M. le maire qui ramassait et soupesait dans sa main un magnifique perdreau. — C'est vous, monsieur le maire ? — Eh ! oui, monsieur l'architecte. — Vous allez toujours bien ? /