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74 ÉPITRES D'ANGE POUTÃEN. de mes lettres, mais non de toutes; il me seroit plus facile de ramasser les feuilles de la sibylle (1). Je ne les ai point écrites dans le dessein de les réunir : c'étoit l'ouvrage du moment; j'y traitois les sujets à mesure qu'ils se présen-. toient, et sans autre but. Je n'ai gardé des copies que des moins imparfaites, encore étoient-elles déjà en proie aux vers (2) : et pour en former une sorte de volume, j'y en joins quelques-unes qui me furent adressées par les savants; elles réveilleront le goût du lecteur. Pour les miennes, le style en est fort inégal, ce qui prê- tera sans doute à la critique; mais je n'étois pas toujours disposé de même : les personnes, d'ailleurs, ainsi que les matières étoient différentes. Ainsi, ceux qui les liront, si on les lit, prétendront peut-être, en y voyant tant d'inégalité, que c'est encore ici un mélange (3), et non un corps de lettres que je donne au public. Mais les opinions sont si partagées sur le style épistolaire, et l'on écrit de tant de manières différentes, que ce seroit un grand malheur si je n'avois pas au moins quelques partisans. Les uns diront que je n'ai pas le style de Cicéron ; mais je serai autorisé à leur répondre qu'on ne doit point parler de Cicéron, quand il s'agit du style épistolaire (4); D'autres (1) On sait que la Sibylle écrivait ses oracles sur des feuilles de palmier, rangées par ordre à l'entrée de sa caverne. Le moindre vent dispersait ces feuilles, comme on le voit dans l'Enéide, 1. 3 . , et aussi dans Rabelais, I. 3. c. 17. (?) Leurs tas, au magasin, cachés a la lumière, Combattent tristemont les vers et la poussière, dit Boileau, 1.3, de son Lutrin, parlant de certaines poésies deDesmarets, ce qui exprime très-bien le rixari cum blatlis et lineis, de Politien. (3) Il fait allusion au livre qu'il avait publié cinq ans auparavant, sous le titre de Miscellanea. Florence, 1489, 13 kalend. octobr,, ap. Antonius Miscominus. (4) Sidoine Apollinaire (lettre I), donne à son style l'épithète de veter- nosum, et ajoute à ce qu'il dit des lettres de Pline et de Symmaque : De