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                M. GRÉGOIRE ET LES ÉCRITS.              301

famille avait été moissonnée par l'échafaud, et il était de-
meuré presque seul. Fuyant sa patrie et exilant ses dou-
leurs aux rives lointaines, il parcourait, solitaire, les
déserts du Nouveau Monde; il pénétrait sous la hutte du
sauvage hospitalier ; son génie se fécondait devant les
merveilles de la nature, son imagination s'enflammait;
son cœur s'attendrissait sur ces mers sans rivages, sur
ces sommets voisins des cieux, dans ces solitudes habi-
tées parle silence, parmi ces peuplades où il trouvait un
accueil si bienveillant, lui, proscrit de sa terre natale !
Sa jeunesse avait été orageuse ; au milieu des passions les
plus brûlantes, il avait éprouvé par lui-même ces cruelles
déceptions qui déchirent le cœur, et son âme s'était élan-
cée vers la source de tout vrai bien. Encore plein du sou-
tenir de sa mère qui avait pleuré sur ses égarements, il
composait un livre sublime po;ir apaiser ses mânes et
pour nous dévoiler toutes les grandeurs du christia-
nisme ! »
   On le voit, à ce style dont M. Grégoire lui-même, de-
venu plus sévère avec les années, blâmait plus tard la
couleur trop poussée au vif et l'exubérance, cette intro-
duction n'avait rien d'une froide analyse. Qu'on lise aussi
cette page sur Lamartine ; elle n'a pu être écrite que par
un contemporain de la publication des.Méditations et des
Harmonies, encore ému de leur lecture récente, tour-
menté, comme le poète, du même malaise douloureux et
vague et enivré des mêmes aspirations. Chaque généra-
tion nouvelle n'a-t-elle pas son chantre privilégié qu'elle
veut entendre dans le silence des autres voix? La jeu-
nesse était alors à Lamartine, comme elle allait être à
Victor Hugo, comme elle appartint plus tard Alfred de
Musset.
   « N'avez-vous jamais , dans une rêverie extatique ,