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70 CHATEATJ-BAVART. voyait des pressoirs dont la grossière construction indi- quait l'âge respectable; dans les salles hautes, du foin, de la paille, du bois, entassés, faisaient plier les planchers vermoulus. Le toit laissait pénétrer la pluie et la neige, tandis qu'à travers les murs lézardés, on entendait siffler les vents de tous les points de l'horizon. Sauf les journaliers au momentdes vendanges, personne ne troublait jamais le silence de cette demeure devenue la résidence favorite des chats-huants et des corbeaux. Mais on ne pénètre pas sans émotion dans l'une des chambres du premier étage; car, selon la tradition, là naquit le héros dauphinois. C'est une pièce au carrelage incomplet; sur les murs crépis à la chaux on distingue confusément quelques traces d'ornementation à la fresque. Sous une couche de poussière séculaire et à travers les toiles d'araignée, quelques lambeaux de filets dorés se font voir çà est là sur les poutrelles cannelées du plafond. On voit dans la fenêtre profonde deux bancs de pierre où s'asseyait dame Hélène du Terrail pour allaiter son fils, le futur chevalier, ou le bercer au refrain de quelque vieille chanson ; tandis qu'Aymon, vieux guerrier, dont l'un des bras avait été mutilé à la bataille de Cuinegate, lui narrait ses exploits et lui montrait les panoplies d'armes appendues aux murailles ; car ainsi que le disent les vieux romans de chevalerie : Il faut qu'un gentilhomme Voie, en naissant, le fer briller : Qu'il soit allaité sous un heaume, Et bercé sur un bouclier. À l'un des angles de cette pièce, voici encore la vaste cheminée, où pendant l'hiver, autour du feu pétillant, on devisait de hauts-faits de guerre ou de chasse, où l'on racontait les merveilleuses légendes, les miracles opérés par quelque saint personnage, où l'on faisait le soir la prière en commun. C'est la, c'est au sein d'une famille qui