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300 M. GRÉGOIRE ET SES ÉCRITS. traductions pâles et défigurées, travestissements bizarres qui ridiculisaient ces productions si intimes. Nous nous traînions encore sur les traces des anciens ; Aristote était encore pour nous le suprême régulateur; les restes suran- nés d'une littérature étrangère à nos mœurs, à notre culte, à nos opinions, étaient encore des modèles et des guides irrévocables, quand l'Allemagne enfantait des règles nou- velles sanctionnées par autant de chefs-d'œuvre ; quand le sublime Klopstock entonnait des hymnes religieux et nous renvoyait, plus harmonieux et plus suaves, les sons jetés par le chantre du premier homme ; quand Goethe et Schil- ler, tout préoccupés de Shakspeare, s'élançaient d'un vol assuré dans un monde invisible et préparaient le sauvage Byron, si fier, si original, si sublime, avec ses cris aigus, ses plaintes retentissantes et ses rires féroces. Nous n'en étions encore qu'aux récits insipides de Crébillon et de Prévost, quand Walter-Scott élevait le roman à la dignité de l'histoire et se voyait suivi d'un long cortège d'imita- teurs. La philosophie chez nous était encore réduite aux vaines subtilités d'une scolastique pédantesque, quand chez nos voisins elle prenait un plus mâle essor et répan- dait sa noble influence sur la poésie et l'histoire. Nous eûmes enfin notre part à toutes ces richesses. Une chose contribua beaucoup aussi à la régénération des lettres : ce fut le retour aux doctrines du christianisme. » Les causes générales ainsi reconnues, M. Grégoire s'oc- cupait des personnes, et, fidèle h sa méthode, il n'avait garde d'oublier les événements individuels, qui, plus en- core que les événements publics, avaient pu agir sur le talent. C'est ainsi, par exemple, qu'il expliquait M. de Chateaubriand : « Formé par les puissantes leçons de l'infortune, c'était «es propres sensations qu'il retraçait dans ses écrits. Sa