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POÉSIE. Et même, quels sanglots suffiraient aux victimes Qu'en un champ de carnage ont entassé les crimes De bataillons de fer l'un par l'autre heurtés, Lorsque de sang noyés, des épis blonds encore, Frémissent au retour d'une vermeille aurore Par le frais zéphyre agités ? Heureux pourtant celui qui meurt dans les batailles ! Gloire au soldat qui dort au sein des funérailles, Vengeur victorieux de la patrie en deuil ! Mais, qui consolera le soldat que la tente N'abrite plus et qu'une fièvre obscure et lente De l'hospice mène au cercueil ? De ce calice amer vous bûtes la tristesse, Généreux lieutenant (i) dont la mâle jeunesse, Du barbare Mexique affronta les tyrans : L'hospice vous reçut, votre père vous pleure, Et moi qui vis ses pleurs, je consacre cette heure A chanter ses pieux tourmens. Vous n'aurez point revu les deux de la patrie, Ni pressé dans vos bras une mère attendrie A voir sur votre front le bronze du soldat ; A serrer cette main qui sut porter le sabre Ou contenir la peur du cheval qui se cabre Aux sombres éclairs du combat. Loin de vous voguera sur une plage immense L'étincelant drapeau que le bras de la France Fit luire sur les tours de la fière Puebla ; Et, sans vous, les tambours de nos fortes phalanges, Réjouiront nos murs des roulements étranges Dont la Terre-Chaude (2) trembla. Dormez pourtant, dormez du grand sommeil des braves, Puisque sur vous le sort a jeté ses entraves, (1) M. Edmond Marilhat, neveu du célèbre peintre paysagiste du même nom, tils du conseiller à la Cour impériale, mort à 29 ans de la fièvre, à l'hôpital militaire d'Oiiribij au moment où notre armée rentrait en France. (2) Vaste et dangereuse région du Mexique.