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                      JACQUES LISFRANC.                          311
de bois, de gazon, aux rives du Dorley, au Pilât, à son père, à sa
 vieille mère, qu'il n'est saisi, absorbé par l'orgueil de cette pos-
 session que lui enviaient des têtes couronnées. Ce prince de la
 science abdique... en faveur de ces doux sentiments, il renonce
 à tout.
    Tel est cet homme qui pourtant a entrepris de faire suivre à la
médecine et à la chirurgie la voix tracée par les sciences phy-
sique et mathématique et qui tâcha de faire compter l'art médi-
cal au nombre des sciences exactes. Il fut de cette forte et bril-
lante école qui ne ménageait ni son temps ni ses labeurs, qui
arrivait à la gloire par les plus rudes chemins. Lisfranc, comme
Dupuytren, n'a rien dû qu'à son propre mérite. Il a acquis sa
réputation en luttant toujours, et c'est en paraissant ne pas ai-
mer qu'il aimait ardemment.
    Pour ceux qui douteraient encore de sa sensibilité nous di-
rons qu'il était devenu l'ennemi irréconciliable d'un médecin de
Paris qui lui avait tué à la chasse un chien épagneul auquel il
était fort attaché.
    Lisfranc n'était pas marié. Peut-être ce caractère eût-il fait
dire à une jeune épouse : on ne peut vivre mec vous, et pourtant
sans vous on ne peut pas vivre.
    Pourquoi avec lui ? — A cause des exigeances d'une volonté
dominatrice, et de son apport au sein de la communauté con-
jugale d'une vie inquiète et tourmentée par quelques déconve-
nues, des rivalités jalouses, l'implacable esprit de secte scien-
tifique blessé, une vie toute de travail, de fatigue et de veilles, et
que le travail tuait et enlevait chaque jour par lambeau.
    Pourquoi sans lui ? — Parce que ce cœur était un trésor, riche
d'inépuisable tendresse et de sensibilité profonde ; et qu'enfin ,
dans Lisfranc, il y avait tout ce qui peut rendre une femme fière
de son mari.- la célébrité et les agréments de l'esprit et du corps.
 sa boutonnière, brillait la croix d'officier de la légion d'hon-
neur. 11 était salué partout dans la rue et dans les salons, sur-
tout depuis la mort de Dupuytren, comme le premier chirur-
gien en Europe, et comme maître d'un enseignement, supérieur
par tant de cotés à l'enseignement officiel.