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312                    .UCQUES LISFRANC.
   Aussi quand, en mai 1847, cette existence prit fin, le deuil
fut à peu près général dans Paris. Il semblait qu'un grand sou-
verain venait de mourir. C'était, en effet, un monarque de la
science qui quittait des sujets dont beaucoup lui étaient rede-
vables de la vie; et puis, quand assis sur le fauteuil et au bu-
reau du grand empereur, lui aussi dictait ses ordonnances, il y
avait, là aussi, des arrêts de vie ou de mort.

                               Vil.

   Lisfranc, en mourant, laissait le souvenir de ses bienfaits dans
l'âme d'un peuple ému, et ces traces se révélèrent à ce moment
solennel sous la forme la plus touchante.
   L'assistance était immense : on remarquait à ces obsèques
presque tous les médecins, tous les jeunes gens de l'Ecole de
médecine, toute l'école du Val-de-Grâce de Paris, en costume,
 et conduite par ses deux chefs, MM. Âlquîé et Baudens '. une
députation de l'Académie, dans laquelle on distinguait le se-
crétaire perpétuel, M. Pariset, qui s'était arraché au chevet de
sa femme mourante pour remplir un pieux devoir ; le Président
de la Chambre des Députés, des représentants du Conseil muni-
cipal, de l'Institut et du Jardin des Plantes, de la presse ;quatre
professeurs de la Faculté qui sont venus au nom d'une vieille
amitié honorer la mémoire du grand chirurgien, auquel la Fa-
culté en corps avait refusé cet hommage.
    Les élèves voulaient traîner le corbillard, comme leurs aines
l'avaient fait pour Dupuytren, Boyer, Larrey et Broussais. Des
ordres les en ont empêchés. Ce refus leur a été dur, car bien
peu de professeurs avaient eu le talent de captiver, d'entraîner
la jeunesse à leurs chars, à l'égal de Lisfranc. Il se faisait étu-
diant 'comme ses élèves, avec leurs goûts, leurs passions, leurs
langages, le bon, le mauvais côté de la vie de Paris. Il les ser-
vait en tout et partout. On avait recours à lui pour le concours,
l'inscription, la conscription, les comptes de café ; tant en santé
qu'en maladie, c'était pour l'étudiant une. providence, à l'abord
brusque, mais toujours cxorable.