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336 CHRONIQUE THÉÂTRALE. grâce aussi aux excellents décors de M. Savelte, on entre de plein saut dans le XVÃIIe siècle. C'est une évocation magique ; la mise en scène d'un chapitre de quelques vieux romans de l'abbé Prévost ou de Crébillon fils. Ce qui a manqué aux Porcherons pour être le grand succès de la saison, c'est la présence de M m e Cabel, comme cette présence a été en partie la fortune de Madelon; nous disons en partie, car la musique de M. Bazin pos- sède assez de qualités pour justifier son succès. Son seul tort est de forcer celui qui l'écoute à se demander trop souvent s'il n'a pas entendu tout cela quelque part. Il règne, en effet, dans cette agréable partition un vague mé- lodique qui séduit, qui vous berce , sans que jamais l'attention soit forte- ment réveillée. C'est le défaut de toute musique trop facile et celle de M. Bazin se recommande surtout par son élégante facilité. Mme Cabel, du reste, était là , criblant le canevas léger de mille pailletés d'or, y semant ses plus fines broderies, faisant chatoyer la mélodie aux lueurs de la rampe, et donnant au verre les scintillements du diamant. Comment le succès aurait- il fait défaut ? A côté de M20* Cabel, et sans que ce voisinage si redoutable l'ait rejetée dans l'ombre, il s'est produit depuis quelque temps à notre Grand-Théâtre une jeune cantatrice qui fait merveille. C'est Mlle Mathilde Chambard. Un mezzo soprano d'un velouté, d'un moelleux parfait, de l'ampleur surtout dans le médium, et comme couronnement au sommet de l'échelle vocale quel- ques notes harmoniques tintant comme de petites clochettes d'argent, tel est l'instrument dont 51lle Chambard dispose. Ajoutez une méthode large, pure , classique dans toute l'acception du mot, une méthode qui atteste les excellentes et habiles leçous de M m e Slouvielle, et vous comprendrez le succès qu'elle obtient, l'avenir auquel elle peut prétendre. Elle a chanté Lucie, comme personne ne l'avait chanté à Lyon depuis Mme Miro. Il lui man- que cette assurance qui fait qu'on se joue de la difficulté; elle nous semble aussi avoir des tendances à ralentir la mesure , à prendre pour ainsi dire son temps avant de lancer le trait; l'art de finir une phrase de manière à enlever le public lui est encore inconnu, mais les ondulations de sa voix sont d'une exquise pureté, le timbre en est expressif ; il semble que la nature de son organe et son ampleur lui permettraient d'aborder les rôles d'Alice et de Valentine, cependant nous craindrions que les notes harmoniques dont nous avons parlé n'eussent à en souffrir. Pour qu'elles conservent (oui leur charme, il faut probablement qu'elles soient émises avec lenteur et comme à mi voix ; et, somme toute, surtout après la représentation du Prophète, nous croyons que M"e Chambard fera bien de s'en tenir à l'emploi qu'elle a choisi. J, T. AIMK VINGTKINIER, directeur-gérant.