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284                    JACQUES LISFRANC.
sait à l'aise, forte et puissante dans cette structure large, com-
mode et presque de fer.
   Sa famille me fut utile et chère. Aussi dans la biographie que
j'entreprends, ai-je plus emprunté aux affections qu'à la marche
des sciences en général, surtout au progrès de celle dont Lis-
franc enrichit le domaine, et qui m'est toujours restée étrangère.
   De Paris je me rendis le surlendemain à Saint-Paul, et, visi-
tant l'humble cimetière de ce bourg de la Loire, cimetière qui
n'a pas encore subi l'inflexible rigueur du décret sanitaire de
1811, je me laissai aller au regret de ne pas y voir la tombe
de Lisfranc décorer la terre qui l'avait vu naître.
   Il est regrettable, en effet, qu'un pays ne cherche pas à ré-
clamer les restes des personnes dont il tire vanité. De tels res-
tes, placés au sein de leur lieu d'origine, enseignent et encou-
ragent. Ils sont là tout près et tout exprès pour dire le secret de
la gloire et des succès.
   D'abord enfants, puis adolescents, puis encore jeunes hom-
mes , comme nous l'avons été, respirant le même air, buvant la
même eau, foulant l'herbe des mêmes prairies, si plus tard ces
chers concitoyens ont acquis un nom plus étendu, plus respecté
en Europe, que le nôtre ne l'est même au village, c'est que plus
que nous ils ont proportionnellement travaillé, plus souffert, et,
plus que nous, rudement jouté avec les obstacles.
   La dette est grande sans doute chez ces hommes d'élite envers
le domicile d'adoption, le théâtre de leurs succès ; mais le lieu
de naissance est encore le plus légitime créancier ; à ce titre le
village de Saint-Paul aurait plus de droit que Paris à la posses-
sion des cendres de Lisfranc.
   Aussi combien n'aime-t-on pas à voir un pays disputer à un
autre pays de telles possessions ; et les hommes les plus prompts
à blâmer les procédures judiciaires se hâtent de donner leur
assentiment à ces nobles revendications. On se dit alors que
l'homme de génie qui a quitté son lieu de naissance n'a pas tout
emporté avec lui, et que la source où il a puisé cherche à ren-
trer dans son eau, et n'est pas encore tarie..,.