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h Vf) CHARLES. côté un long regard si froid et si hautain, qu'un respect in- volontaire s"emparait aussitôt des rieurs. Dans cette lutte contre les chimères de son imagination et contre les funestes réalités qu'avaient enfantées ces chimères, que de blessures ne recevait-il pas ! On voyait son front se colorer subite- ment, puis une ptfleur livide s'y répandre soudain. C'était, sans doute, un ancien ami qu'il venait d'entrevoir, une femme qu'il avait aimée ou qu'il aimait encore, et son orgueil se révoltait à l'idée que le seul sentiment qu'il pût lui inspirer désormais ne pouvait être que de la pitié : c'étaient, sans doute, des regrets amers, un souvenir des jours heureux, souvenir dont l'éclat fugitif éclairait sa situation présente et la chute de ses plus beaux rêves. Ce supplice, enduré en public, se prolongeait des heures entières, et l'in- fortuné rentrait chez lui cent fois plus exalté que la veille. Quel plus lamentable spectacle que celui d'une intelligen- ce supérieure tombant en ruines pièce à pièce et finissant par s'abîmer, tel qu'un palais dont les colonnes, les por- tiques s'engouffrent les uns après les autres au sein d'un implacable incendie. Ainsi fît le noble jeune homme. Hélas ! c'était un artiste du plus brillant avenir, ceux qui l'ont connu le diront : c'était le petit patineur dont nous avons parlé, devenu l'auteur d'une statue colossale qui décore digne- ment la façade du grand Hôtel-Dieu de Lyon. Il s'appe- lait Charles. Malgré la tendresse de sa famille, malgré les efforts de ses amis, malgré la considération dont l'en- tourait le pressentiment d'une belle destinée, la plus ef- froyable calamité qui puisse atteindre une créature humaine fondit sur lui. A peine avait-il vingt-six ans qu'il mourut dans les transports d'une folie furieuse. Le père de Charles, honnête et laborieux marchand de la rue de la Barre, eût sacrifié vingt fois sa modeste fortune pour faire de son fils un savant; mais l'enfant tenait de la