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432                            NÉCROLOGIE.
esprit délicat et ingénieux au quel l'imagination ne faisait pas défaut, grâce
à un jugement sûr, où la profondeur n'excluait pas la clarté. Du moins il
fît toute sa vie son délassement de semblables études : passant sans cesse
de la-réalité à l'abstraction, il fuyait les habitudes intellectuelles qui ten-
dent à conGner l'homme dans l'une ou l'autre de ces régions et laissent la
spéculation inutile et inappliquée ou la pratique sans direction supérieure.
   Dans cette organisation choisie et complète il y avait harmonie et accord
de toutes les facultés, et cette chaleur d'ame, qui ne permettait pas le rôle
de spectateur indifférent et curieux, se conciliait pourtant avec un jugement
froid et exempt d'entraînement. Dans le cours d'une vie contemporaine d'évé-
nements si grands et si nombreux, M. Bruyas a pressenti bien des faits,
prévu plus d'un dénouement : c'est qu'il apaisait son émotion pour ne cher-
cher les effets que dans leurs causes et faisait taire ses désirs pour n'in-
terroger que sa raison, tenant compte pour juger les choses des passions
des hommes, mais sans y mêler les siennes. Une modération naturelle et
réfléchie, un sens pratique et élevé le défendaient également d'un engouement
aveugle pour toutes les innovations et d'une méfiance étroite et timide qui
les repousse sans examen.
    En politique, M. Bruyas appartint à cette éternelle Gironde, à ce parti
qui toujours et partout se forme d'hommes modérés et généreux que les
obstacles au bien ne peuvent réconcilier avec le mal, qui ne sentent faiblir
leur courage, ni leur conscience en présence de ces obstacles et les sur-
monteraient sans le torrent de passions moins pures qui les emporte ou les
écarte.
    Telles sont les qualités éminentes que M. Bruyas fit aimer dans ses re-
 lations privées et qui furent toujours appréciées dans sa vie publique : il
en a fourni d'honorables preuves dans l'Administration de la justice, dans
le Conseil de la commune et du département, comme dans celui des re-
présentants du pays.


   La mort vient d'enlever aux arts qu'il honorait, à sa famille dont il était
l'idole, et à ses amis qui le chérissaient comme un frère, notre compatriote
Petrus Perlet, dont la mémoire vivra longtemps dans le cœur de ceux qui
l'ont connu. Né à Lyon d'une famille où l'esprit et les talents sont hérédi-
taires, il fît ses classes au lycée où il eut entr'autres pour condisciples M.
Jayr, notre préfet actuel, et M. Jules Janin, dont il devint l'ami intime lorsque
ses études de peinture le conduisirent à Paris dans l'atelier du baron Gros,
qu'il quitta ensuite pour celui de M. Ingres, dont il devint l'élève de prédi-
lection. C'est avec la conviction que nul mieux que Perlet ne comprenait la