page suivante »
294 BÉKANGER au milieu du rhythme, de la rime, du refrain el des charmes de la diction la plus pure et la plus facile. La raillerie de Courier est toujours amère, préparée et aiguisée avec soin ; il ne la décoche que lorsqu'il est sûr qu'elle est mortelle. Le sourire qu'elle excile cache l'indignation ; l'un est le poète malin qui suit le préceple d'Horace et rit avec son lecteur; l'autre est le salyrique sans pitié, qui n'ajoute la plaisanterie que pour mieux frapper son adversaire et le rendre ridicule, après l'avoir fait odieux. Aussi l'un ne saurait m'attirer comme l'autre : ironique et logique comme Pascal; spirituel et léger comme Voltaire, la personnalité plaît trop à Courier; il pourrait bien, selon l'expression d'un poète, lancer le trait Même à travers un cœur ami. Loin de moi, cependant, la pensée de déprécier ce cou- rageux défenseur de la liberté et de la justice, cet inimitable écrivain qui, dans quelques pages, savait mettre assez d'esprit pour défrayer bien de nos gros volumes, mais il lui a man- que quelque chose. — En vain dira-t-on que la sensibilité n'est pas le fait du pamphlétaire, toujours armé de l'épi— gramme. On voit bien que ce n'est pas ainsi que nous l'en- tendons : s'il ne peut s'attendrir sur ceux qu'il châtie, n'a-t-il pas le spectacle des victimes qu'il défend, et n'en est-ce pas assez pour émouvoir son âme et son style s'il est réellement sympathique ?— Quand l'âme de l'écrivain est ardente et pas- sionnée elle éclate involontairement partout : de là naît l'élo- quence ; sans cela il n'y en a point, aussi Courier n'en a-t-il montré nulle part. II a pu comparer certains de ses écrits aux premières Provinciales, mais non pas aux dernières. Une observation encore, ce sera la dernière ; il nous paraît curieux de voir comment ces deux écrivains se sont jugés eux- mêmes : « Mon père a dit, el rarement il se Irompa, le bon-