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MAZADE D ' A V È Z E . 301 étendue immense. » Pendant ce voyage, le père et la fille arrêtèrent un projet d'union, qui devint ensuite impossible, mais qui jeta sur la vie entière de Bertille une profonde teinte de tristesse. Si nous en pouvons croire les souvenirs d'un homme qui fut à portée de savoir ce qui se passa, voici comment fut rompu le mariage projeté entre Mlle d'Avèze et M. Ballanche. Mlle Bertille avait à Montpellier une vieille tante, qui devait l'enrichir d'une centaine de mille francs ; les deux futurs allèrent la voir. Infatuée d'idées nobiliaires, la tante ne voulut pas consentir à un mariage avec un im- primeur-libraire, et ce fut M. Victor de Bonald, second fils de l'écrivain de ce nom, qui, sur la proposition de communs amis, remplaça M. Ballanche. Quelques années auparavant, M.lle d'Avèze avait écrit, d'après la demande et seulement pour les yeux d'un père, son Opinion sur le Mariage. Ces quelques lignes d'une jeune personne de seize ans nous montrent un esprit d'une nature élevée et judicieuse ; peut- être renferment-elles assez de vérités pour valoir la peine d'être ici reproduites. Voici donc ce qu'elle écrivit à la hâte : « J'avais toujours pensé que mes opinions sur le mariage paraîtraient trop extraordinaires, et je voulais les garder pour moi ; cependant comme j'ai la conscience qu'elles sonl bonnes, je ne vois point de difficulté à les mettre au jour. «J'envisage le mariage comme un sacrement, et, à ce titre, il m'inspire un respect religieux, et par suite des principes sévères sur les devoirs qu'il impose. C'est à mes yeux une association sainte, et, je le dirai franchement, je rencontre bien peu de gens qui ne la profanent pas dans ma manière de voir. « Dès lors qu'on considère le mariage sous un point de vue religieux, on n'est plus libre d'adoucir avec indulgence les de- voirs qu'on s'impose en contractant une union. Dieu les a fixés, les hommes ne peuvent plus les circonscrire et les dé- terminer. L'Écriture veut que la femme de l'homme heureux