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92                       MI[cs   IiACilKL ET DÉJAZIÃT.
est <.run effet plus sur et plus saisissant; la statuaire est un gould'aichéo
loguo.
     Mais revenons à M I l e Rachel. Ses qualités et ses imperfections font de
cette artiste le représentant le plus complet de la tragédie classique. Tuliiia,
d'après ce que nous en avons entendu dire, apportait dans la tragédie beauco up
de choses qui n'y sonl pas, le naturel et la vie par exemple. Cet homme et.ait l'ait
pour Shakespeare plutôt que pour Racine, il grandissait parfois Racine Jusqu à
Shakespeare. M11- Rachel rend peut être tout ce qui est dans la tragédie,
mais, à coup sur, elle n'y met rien de plus. Sa voix, extrêmement sobre d'infle-
xions, est d'une noble et énergique monotonie qui s'adapte admirablement à
la monotonie du mode tragique. Cependant, nous ne croyons pas qu'elle par-
coure toute la gamme des sentiments de Racine. La colère et l'ironie remplis-
sent la plus grande partie des rôles de lloxane et iVUerwiouc, mais il n'y a
pas que cela ; Racine était d'une nature trop tendre, trop langoureuse même,
pour ne pas mettre un peu de douceur dans un rôle de femme, ne l'ei'it-ii pas
\ o u l u ; et nous ne croyons pas avoir entendu jamais sortir de la bouche de
M l l u Rachel un accent qui ne fût pas un accent de menace ou d'amertume,
ceci est peut-être un éloge pour Jfermions et lioxnne, maïs partout elle nous l'ait
peur quaud elle dit : je t'aime. C'est bien là l'héroïne tragique, mais ce n'est
pas la femme. Aussi, à noire avis, les personnages de femmes cornéliennes con-
viennent-elles surtout à M11*' Rachel. Là on peut rendre tout le rôle sans
rien avoir de féminin. Dans ce que nous avons vu jusqu'ici, c'est Camille
plutôt c[u'Hermione qui nous a paru le rôle lype de M11-' Rachel. Elle est
sublime dans sa douleur humaine, c'est là le sentiment qu'elle sait le mieux
peindre, avec l'ironie et la menace; c'est là aussi que nous l'admirons le plus,
car cette douleur épique est le plus noble sentiment de ceux que sa voix peut
exprimer.
    Elle a, dans les Horaces, après le récit dn combat, un cri de : Oh ! mes frè-
res! qui est resté dans notre esprit, comme une dv.^ plus grandes choses que
nous ayons entendues, c'est beau comme la tète de Niobé.
    Pour achever, sur des données plus complètes, une appréciation du talent
de M , l e Rachel, attendons Phèdre et Polyeucle. Tout ce que nous avons dit
jusque là est peut-être prématuré.
    Si un parallèle entre MJlu Rachel et M IIt! Déjazet ne devait pas sembler un peu
paradoxal, on pourrait, en comparant ces deux talents réels, y montrer les deux
extrêmes de l'art, deux perfections opposées. Osons le dire, il y a peut-être
chez IU llc Déjazet plus de supériorité dans son genre, que chez M11L' Rachel dans
le sien! Quel dommage que tant d'esprit, tant de naturel, un talent si fin, si sou-
ple, si varié, soit au service d'un pareil répertoire ! Quel charmant parti on pou-
vait tirer de celte voix toujours jeune et fraîche, de celte prestesse et de cette,
grâce, sans descendre aux gravelures de la Marquise de Pretiraaille et de Fré-
lillon. Déjazel, c'est lout l'esprit du vaudeville français, de la chanson de
Bérangor, qu'on a fait dégénérer en un couplet plus que grivois.