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M. DEMONS. 85 de la tutelle que Dieu lui avait momentanément imposée. Quand, dans l'ordre religieux, le libre esprit de l'homme ébranlait sur leurs vieilles assises tous les temples chrétiens ; quand, dans l'ordre philosophique, il faisait lahle rase de toutes se* croyances ; quand, dans l'ordre politique, il se répandait en idées menaçantes qui débordaient sur l'Europe et l'inondaient de l'un à l'autre bout, entraînant déracinés tous les préjugés et toutes les institutions iniques d'autrefois, le principe d'autorité en matière littéraire ne pouvait surnager au milieu de tant de naufrages. Il n'y a pas dans l'bumanilé une vie double, triple, quadruple ; il n'y a pas une vie pour l'art, une pour la politique, une pour la philosophie, une pour la religion : c'est un seul et môme esprit qui anime tout le corps social d'une époque, et, quand il agit d'une certaine manière dans une certaine direction, il ne tarde pas à agir de la même manière dans toutes les autres. L'esprit moderne avait dit : « Que vos dogmes religieux, que vos idées philosophiques, que vos institutions politiques aient dix siècles, vingt siècles ou trente siècles de date, il ne m'importe : ce que je veux savoir c'est si vos dogmes sont saints, vos idées vraies, vos lois justes, » et il aboutit à une vaste négation. En littérature il se demanda aussi si une chose est belle par cela seul qu'elle est vieille. C'était la môme question : il y fit la môme réponse. Il fit plus : il méconnut eldut méconnaître les grands hommesde l'humanité ancienne, car il réagissait contre eux ; il brûla et dut brûler ce qu'il avait adoré, car, suivant l'idée du poète, on broie sous ses pieds avec fureur ce qu'on a redouté longtemps. Aujourd'hui nous n'avons pour le passé ni haine ni tendresse, et nous le jugeons avec plus de calme. Dans la sphère littéraire, comme dans toutes les autres, nous ne décrions pas à l'exemple de nos pères, mais nous ne jugeons pas pour cela comme les siècles antérieurs. Les dieux d'autrefois ont reçu de trop