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SOUVENIRS D'ALGER 551 sabre un nègre qui ne se défendait pas, on n'est pas préparé à de pareils tête-à -tête. Pendant que de la cage sortaient des bruits d'os rompus et de chairs déchirées, des plaintes sourdes d'agonie et des rauquements de fauves heureux de se repaître à gueule-que- veux-tu, Coco, le visage tailladé à coups de couteau, des peaux de lézards et de serpents dans les cheveux, psalmodiait à la mode de son pays, le chant de mort qui accompagne la torture de l'ennemi captif et y ajoutait ce refrain en patois français : « Mon cœur li content. Li content mon cœur. » La cage nettoyée, rien ne resta de ce drame, un homme est si peu de chose ! » Le lende- main, le conseiller militaire ne se retrouva plus. Le consulat s'émut, la justice locale se mit en campagne, les journaux s'épui- sèrent en conjectures, ceux de Berlin insinuèrent qu'il devait y avoir là quelque noir guet-à -pens préparé par les rancunes fran- çaises, mais nul ne pénétra jamais le mystère de cette disparition, les nègres savent se taire et les lions ne parlent pas. « Des allimettes, bons allimettes. La Patte à Coco, des allimettes, bons allimettes, c'ist pou' boi' la goutte! » Voilà la chanson quotidienne de l'ancien dompteur revenu à Alger; quand la Marseillaise et le Chant du Départ lui rappellent la bataille, la mort de son maître, sa blessure et surtout sa ven- geance, il marque la mesure, découvre ses dents etincelantes dans un sourire à la fois heureux et triste et murmure soto voce : « Mon cœur li content ; li content, mon cœur ! » Ses allumettes sont détestables, mais, je lui en achète toujours. Qui sait ! C'est peut-être vrai qu'il a fait dévorer, le Prussien ! X BLIDAH — LES GORGES DE LA C H I F F A — S I D I FERRUCH LA T R A P P E DE S T A O U E L I La tradition veut qu'habitant Alger, on aille voir Blidah et les gorges de la Chiffa, je m'en souciais peu, poursuivi par le souve- nir désobligeant de plusieurs excursions de même espèce, non